On est bien trop déterminé-e pour choisir entre l’Europe Néolibérale et les Etats racistes !

Éditorial janvier 2019

Edito du Bulletin A2C- Pour l’Autonomie de Classe n°5

Méditerranée, silence on noie ! Tel pourrait être le slogan des campagnes européennes des partis dominants. L’accueil des cinquante huit migrant-e-s embarqué-e-s sur l’Aquarius a fait l’objet de tractations révélant autant l’indécence que la rivalité des différents pays de l’Union Européenne.

Pourtant, ces États européens et leur agence Frontex, ont leurs sous traitants. Leur meilleur tirailleur est aujourd’hui le Maroc, dont la marine n’hésite plus à faire feux sur les embarcations de migrant-e-s qui traversent Gibraltar.

Qu’elle semble loin cette « Europe des travailleurs et des peuples, l’Europe sociale et démocratique », et tous les autres mirages dans lesquels s’est enferrée la gauche radicale. Face à une Europe qui n’aura jamais autant favorisé l’exploitation, qui n’aura jamais été aussi proche de sa fin, d’un impérialisme toujours aussi violent et toutefois en retrait face à la capacité d’exportation de capitaux chinois ou américain, nous ne voulons pas être des révolutionnaires sans révolution contraint-e-s de choisir entre l’intégration au néolibéralisme et le repli national. Plus, que jamais nous affirmerons que « Les États unis d’Europe sont, en régime capitaliste, ou bien impossibles, ou bien réactionnaires. [1]». Les confrontations, les insurrections, et les révolutions sont les seules critiques radicales contre l’Union Européenne qui valent le coup d’être vécues.  

L’arme rouillée d’une guerre sans trêve

Quelques soient ses tournants : de l’intensification des échanges du charbon et de l’acier, de la mise en concurrence des travailleur-se-s entre elles et eux sous l’effet du néolibéralisme, aux crises du Brexit, et à la victoire de Salvini, l’Union Européenne n’aura décidément été qu’un brouillon pensé et griffonné par les riches. Ce qu’ont pu goûter celles et ceux qui y vivent, qui y travaillent, qui la traversent, ne sont que l’austérité, la stigmatisation des populations grecques, espagnoles ou d’ailleurs les rendant responsables d’une crise globale de leur système, et enfin ce bunker aux odeurs de cadavres.

Oui mais voilà, ces riches, ceux qui accumulent, ne forment qu’une classe à même de diriger les institutions européennes que par son antagonisme à la nôtre. Malgré leur concurrence, leur seule cohésion c’est d’accroître le taux d’exploitation en mettant en concurrence les salarié-e-s de Peugeot et Volkswagen, d’écraser les services publics, de construire des murs.

Cependant, leurs rêves de concurrencer les hégémonies chinoises et américaines sont aujourd’hui réduits à néant. En 2015 Sur les cendres de leurs empires coloniaux africains, la Chine investissait 60 milliards de dollars, les Etats-Unis consacraient 10,8 milliards, l’Europe 3,6 milliards…

 Leurs crises leur imposent une concurrence de plus en plus féroce entre eux. Les mêmes qui avaient tant besoin d’échanger de la valeur produite, les mêmes qui ont ratifié Maastricht, les mêmes qui réduisent à une peau de chagrin le salaire des travailleurs détachés refusent aujourd’hui de vendre les chantiers de Saint-Nazaire à Ficantieri, le principal trust européen de l’armature industrielle… italienne. Les banques allemandes auraient été prêtes à financer une guerre pour faire payer aux grec-que-s la dette de leurs créanciers.

              Alors oui nous nous réjouissons de toutes ces crises politiques vécues par Theresa May, Tsipras, Macron et tous les autres qui n’ont pas gagné un seul scrutin soumis aux populations ces dix dernières années concernant l’Europe. Vu le spectacle,  on se réjouit que le non l’ait emporté de Londres à Athènes.

Leurs fidèles alliés

Oui mais voilà, heureusement pour elle, cette bourgeoisie avait sa gauche. Celle du parti socialiste, de Tsipras, de Blair et de tous ces vautours dont leur première veste s’est retournée dans les couloirs de Bruxelles. Comme le fait remarquer Cédric Durand « Pour les courants sociaux-libéraux, démocrates et une part importante des organisations écologistes, la question européenne est devenue une composante essentielle de leur identité politique, les conduisant à embrasser d’un même geste enthousiaste l’approfondissement de l’intégration européenne, l’austérité et les réformes néolibérales. ».[2]

En miroir, des composantes de la gauche, adoptent un discours souverainiste. Dans une période de radicalisation des classes dominantes autour de la question du contrôle des frontières, de montée du fascisme, des formations comme la France Insoumise ou Aufstehen s’opposent à la liberté de circulation et d’installation. Quand un-e migrant-e qui traverse la Méditerranée à une chance sur dix-huit de mourir[3], quand le fascisme est aux portes du pouvoir, il est criminel de diviser notre classe sur des bases nationales.

La trajectoire actuelle de l’État français nous démontre qu’il n’est nul besoin d’UE pour renforcer l’impérialisme et le racisme. L’invasion du Mali par 4 000 soldats français s’est faite en dehors de toute coordination européenne. L’Italie a eu besoin de si peu de financements européens pour accréditer des firmes esclavagistes en Libye et fortifier ses remparts.

Le front qui s’avance

La seule critique réaliste c’est celle qui vient des luttes, se construisant par en bas en portant une stratégie internationaliste. La détermination des cheminot-e-s britanniques à construire la solidarité avec les grèves en France[4], les luttes de la sidérurgie coordonnées par des rassemblements commun d’exploité-e-s de Belgique, du Luxembourg et de France devant le parlement européen, les franchissements de frontières en bande organisée au col des Alpes ridiculisant une bande d’Identitaire, la riposte des familles victimes de violences policières à une échelle internationale, les luttes contre le TAV et les trains transportant des déchets nucléaires sont les seules à même de poser les bases démocratiques à la destruction de l’Union Européenne.

Et pourquoi s’arrêter à l’Europe ? Alors que les luttes des femmes font trembler la reproduction de leur système aux quatre coins de la planète, pourquoi se différencier lorsqu’on lutte pour l’avortement à Dublin et Buenos Aires ? C’est bien riposter de la plus extraordinaire des manières que de faire grève et de défiler par millions le 8 mars de Chicago à Madrid.

Notre détermination causera leur perte

200 000 personnes ont manifesté à Berlin le 13 septembre dernier contre le racisme et l’extrême droite, des dizaines de milliers de personnes défient le racisme enCcatalogne, lorsque l’on tue un rappeur antifasciste en Grèce ce sont des centaines de milliers de personnes qui s’insurgent, alors notre seule chance d’être européen c’est de constater cette classe qu’ont nos voisin-e-s !

La démonstration des combattant-e-s allemand-e-s, grec-que-s ou catalan-e-s doit nous déterminer à riposter et à nous organiser! Le 18 décembre, pas une capitale, pas une ville ne doit pas voir des milliers de flambeaux s’allumer pour la marche internationale des migrant-e-s ! Le 16 mars de Paris à Berlin, de Dublin à Barcelone, de Seoul à Chicago, sera une nouvelle occasion pour lutter contre le racisme et le fascisme. Parce que ouais, l’Europe on s’en fout, nous ce qu’on veut c’est le monde.

Gaël Braibant et Pierre Santinon


[1] « Du mot d’ordre des Etats-Unis d’Europe » Lénine, 23 août 1915.

[2] « Les prolétaires n’ont pas d’Europe », Cédric Durand, Contretemps, Juin 2018

[3] Le Monde, 4 Septembre 2018

[4] Autonomie de Classe 6 Avril 2018

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