Une assemblée locale de plusieurs centaines de syndicalistes, lycéen.nes, résident.es, est aussi éloignée d’un Conseil ouvrier qu’une manifestation de dizaines de milliers l’est de la révolution. Il n’empêche que ce qui peut les relier, c’est la manière de les construire et les objectifs qu’on leur donne.
Les Cahiers d’A2C #19 – Decembre 2025
Le matin du 10 septembre, dans le 20ème arrondissement de Paris à 5H30, des centaines d’habitant·es sont allé·es tenter de bloquer le périphérique avec d’autres venu·es de Bagnolet, Montreuil… À la même heure, 200 autres soutenaient le piquet de grève du dépôt de la RATP puis le blocage du lycée Hélène Boucher avec les lycéen·nes dans le quartier. En fin de matinée, la plupart se sont rassemblé·es avec les grévistes devant l’hôpital de l’arrondissement, Tenon. Une partie a rejoint l’assemblée appelée devant la Gare du Nord, tandis que plusieurs centaines de personnes sont parties en manifestation sauvage jusqu’à la place de la République.
Tout cela n’était pas improvisé. Une assemblée locale de rue avait réuni 300 personnes la veille. Les rendez-vous du 10 septembre avaient circulé, et une réunion avait été appelée en amont par le collectif issu de la mobilisation pour la manifestation du 22 mars (journée mondiale contre le racisme), regroupant les différents réseaux antiracistes et antifascistes de l’arrondissement. Une soixantaine de personnes étaient venues, et il avait été décidé d’organiser cette assemblée de rue. Et en quelques jours, le fil WhatsApp avait explosé en dépassant la barre des 1000 inscrit·es ! Des tracts d’appel à l’assemblée avaient été diffusés devant des écoles.
Le dispositif a été reconduit pour les journées du 18 septembre et du 2 octobre. Après le 18 septembre, une assemblée avec des ateliers (formation anti-répression, discussion sur les stratégies et sur nos revendications) a été organisée sur une place du quartier. La mobilisation a nourri la campagne organisée par le collectif antifasciste pour empêcher le RN de s’implanter sur le quartier dans la perspective des municipales.
Après le 2 octobre, alors qu’il ne semblait y avoir d’autres options que de regarder sur les écrans le spectacle pathétique de la crise institutionnelle, les assemblées locales ont continué de se tenir. Pour dire : la solution viendra de nous ! Une déambulation a permis de réunir les mêmes réseaux syndicaux, les grévistes d’Antinéa (association exploitant des femmes aides à domicile), les mineur·es en lutte du Collectif du parc de Belleville, des résident·es de foyers… De nouvelles assemblées sont prévues.
Organisation locale, liens inter-professionels, tentatives de les diffuser, tout cela ne s’est pas fait spontanément. Des débats ont eu lieu et continuent d’avoir lieu. Fallait-il plutôt rejoindre les blocages sur le périphérique le 10 septembre ou aller soutenir les grévistes sur l’arrondissement ? Fallait-il manifester dans l’arrondissement pour tenter de s’élargir localement avant de rejoindre ensuite les lieux de mobilisation au centre de Paris (le 10 et le 18) ou aller regrouper les forces mobilisées devant la Gare du Nord ? Fallait-il insister sur la revendication de démission de Macron après le 2 octobre ou sur la nécessité de développer l’auto-organisation comme embryon d’alternative sur le quartier ? Quelle place pour la lutte contre le racisme et le fascisme ?
Même si le niveau de mobilisation est resté modeste (l’arrondissement compte 200 000 habitant·es !), les réponses à ces questions sont forcément liées à l’importance qu’on donne à l’objectif d’organiser massivement le quartier (et pas seulement quelques centaines) et au lien avec les lieux de travail.