Culture #09

Les Cahiers d’A2C #09 – Septembre 2023

Littérature

Septembre rouge, Olivier Besancenot Michael Lowy, Textuel, 2023

Dans un format hybride entre livre d’histoire et roman, cette fiction documentaire revient sur le coup d’État de Pinochet du 11 septembre 1973. Je ne reviendrai pas ici sur l’analyse de cet événement. Dani de Toulouse y revient plus longuement dans son article. Durant toute la lecture, et aujourd’hui encore, je m’interroge sur une petite phrase de la préface.

En effet les auteurs affirment « Nous n’avons aucune prétention et aucune envie de tirer “les leçons de l’histoire” à la place des révolutionnaires chiliens eux-mêmes ». Cette phrase peut paraître anodine mais me pose plusieurs questions : pourquoi écrire un livre sur cet événement historique si ce n’est pour en tirer des leçons pour ici et maintenant ? Pourquoi en tant que militant·es révolutionnaire ne pourrions nous pas apprendre de cette expérience riche ? Pourquoi traiterions-nous cette histoire de manière différente que celle de la Révolution russe, allemande ou de la Commune de Paris sur lesquelles nous revenons abondamment, tant pour apprendre des expériences passées que pour ne pas répéter les mêmes erreurs à l’infini ? Apprendre de nos prédécesseurs pour changer le monde, me semble indispensable. 

Avec Allende, réformiste radical sincère, nous devons apprendre et comprendre les impasses dans lesquelles nous mènent ces politiques, d’autant plus lorsque l’on voit partout dans le monde apparaître des alternatives radicales mais réformistes, cela doit être un devoir des révolutionnaires de comprendre pour mieux voir les limites de ces courants. Comprendre aussi comment travailler en commun, discuter stratégie avec ces militant·es qui veulent changer le monde. 

Lire Septembre rouge nous en apprend beaucoup sur cette journée du 11 septembre et sur comment on en est arrivé là du point de vue de la bourgeoisie chilienne et américaine, mais on est frustré de ne voir s’esquisser aucun bilan de la politique d’Allende qui emmena toute la classe ouvrière chilienne dans sa chute. 

Sana, Paris 18e

Disques

Comment rester propre ?, La Rumeur, 2023

La Rumeur, groupe phare des années 2000, ayant gagné les procès intentés par le ministre de l’Intérieur de l’époque, un certain Nicolas Sarkozy, balance 10 titres (plus un remix et un bonus track sur les plateformes) dans leur très bon cinquième album, Comment rester propre ? (2023). Des textes sombres sur une musique poisseuse, saturée, nébuleuse. Les darons du rap hexagonal ne font pas semblant d’avoir 20 piges mais garde du cœur à l’outrage pour nous pondre un album d’une noirceur lumineuse. 

Hoba, Lasty, 2023

Lui aussi ne fait pas semblant d’avoir 20 piges, il les a vraiment. Le jeune rappeur Lasty balance en direct de l’île de la Réunion un solide premier EP (disponible entre autre sur Spotify et youtube) intitulé Hoba. Un flow qui colle parfaitement aux prods bien ficelées, des textes désenchantés à souhait… Bref 6 titres synthétiques et cohérents, bien dans l’air du temps. Un début prometteur, en espérant pouvoir le voir bientôt sur les scènes hexagonales (et peut-être en interview dans un prochain numéro de votre revue préférée !)

Back to my Roots, Nagaï et Dub my Roots, Roberto Sanchez, (Kaboum Music) 2023

Une bien belle réussite pour la première sortie du label Kaboum Music, monté par le producteur Baptiste Dédjah, toujours sur l’île de la Réunion. La belle voix de la chanteuse Nagaï, connue sur l’île pour, entre autres, avoir fait les chœurs pour des groupes de Maloya ou de Reggae (Saodaj’, Roots Messengers, Bigtree…), pose son « Back to my Roots » sur un superbe riddim reggae bien roots. Le sorcier du son Roberto Sanchez, le Lee Perry espagnol, mixe 3 versions Dub, dont une qui met en avant les percussions Kette. On attend la suite des productions de ce label qui affiche la volonté de mettre en avant le reggae féminin de l’île avec une impatience non feinte ! 

Weh dem a go do (Sky Things) et Chant Them Down (Salomon Heritage), Peter Youthman, 2023

DeeJay ayant fait ses armes sur les sound systems de Paname (me reviennent en tête les souvenirs d’une époque où l’on entendait sur des sonos comme Roots Fe Disco ou Fondation HiFi au bar « l’Époque » à Stalingrad au milieu des années 2000 !), Peter Youthman sort coup sur coup 2 singles des plus intéressants ! Dans un style de plus en plus chantant, qui se rapproche du Watterhouse stylé jamaïquain popularisé dans les années 1980, au détriment du toast de ses débuts, le jeune artiste pose des textes combatifs en patwah yardie (Chant Dem down, Weh dem a go do) sur des riddims digi-roots de 2 labels français : Salomon Heritage (liée au Sound montpelliérain du même nom) et Sky Ting (dont c’est la deuxième sortie après un très bon single de Beniam Willing, No one can fool I&I, sorti l’année dernière). 

Face au Mur, Tchernobyl / Purgatoire, Fracture / Claimed Choice, (UVPR) 2023

Toujours du côté de Paris, mais on a troqué la ganjah contre le speed et les 8.6 : Tchernobyl et Fracture balance chacun un single 3 titres chez UVPR. Oï ! bien rentre dedans pour les premièr·es avec Face au mur. Des textes et de la musique taillés pour les neuskis dont un titre contre le paternalisme dans le milieu ; plutôt bien senti ! Punk bien vénèr au chant féminin pour le Purgatoire des 3 de Fracture. Des textes qui parlent « d’angoisse nocturnes », de « leur faire payer la fin de l’impunité » ou des « imposteurs, victimes de leurs contradictions qui passent leur temps à se justifier » pour un EP bien réussi. Le label nantais balance aussi 2 titres des Lyonnais de Claimed Choice sur un 45 tours éponyme au design minimaliste qui donne le ton : de la bonne grosse Oï ! qui tabasse !

Singles & Rarities, The 4 Skins, Dirty Punk Records, 2023

Sinon, les sales punks de Dirty Punk Records, après une première compilation consacrée aux Punk Singles des mythiques The Exploited, sortent un deuxième volume de cette série, cette fois-ci consacré au Singles & Rarities des légendaires 4 Skins. On y entend ce qui doit être la première mise en musique du fameux « ACAB » datant de 1980, il y a plus de 40 ans. On y retrouve aussi le jouissif « Chaos » ou le terrible « One law for Them ». Un concentré de Rock’n’Roll de classe ! 

Thomas, Bobigny
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