Faire front ensemble, en solidarité avec la lutte du peuple palestinien et contre l’impérialisme

Palestine

Suite aux attaques de la direction de l’école de EHESS soutenue par la ministre de l’enseignement supérieur à l’encontre de Solidaires étudiant·e·s EHESS, pour apologie du terrorisme, nous publions le communiqué1 des camarades qui maintiennent haut et fort des positions anticolonialistes claires et leur soutien inconditionnel à la lutte du peuple palestinien. Nous leur apportons tout notre soutien et invitons à partager leur communiqué et à ne pas les laisser seul·e·s face à la répression.


Face aux intimidations sionistes, nous réaffirmons notre soutien à la lutte de libération palestinienne

Au vu de la gravité des accusations qui nous sont faites, comme à d’autres organisations ayant ouvertement soutenu la résistance en Palestine, nous tenons à réaffirmer notre soutien inconditionnel à cette dernière et à clarifier notre position : il n’est pas possible de dire qu’Israël est un État colonial sans en tirer toutes les conséquences. 

Le système ethno-nationaliste israélien est fondé sur un suprémacisme racial qui institue une séparation systématique avec les Palestinien·ne·s, et qui prend actuellement la forme d’un apartheid. Il est l’aboutissement de plus d’un siècle de colonisation justifié par l’idée d’« une terre sans peuple pour un peuple sans terre ». Pour qu’elle se réalise, les autorités israéliennes ont organisé, entre 1947 et 1949, l’expulsion d’environ 800 000 Palestinien·ne·s.

La conquête des territoires s’est poursuivie jusqu’en 1967, date après laquelle la légalisation de l’apartheid a donné lieu à une « colonisation de l’intérieur ». Aussi bien dans la bande de Gaza, qu’à Jérusalem-Est ou en Cisjordanie, la population palestinienne est traitée comme un groupe racial inférieur, et est systématiquement privée de droits. Cela se traduit par des saisies massives de biens fonciers et immobiliers, des assassinats de masse, des transferts de population forcés, la restriction draconienne des déplacements, ou encore le refus de la nationalité et de la citoyenneté aux Palestinien·ne·s. La prospérité de l’État colonial repose également sur l’exploitation de la main d’œuvre palestinienne, la destruction de leur économie les obligeant à vendre leur force de travail aux colons.

L’histoire d’Israël est celle d’un processus colonial d’une violence absolue, au cours duquel meurtres, humiliations et viols sont le lot quotidien des Palestinien·ne·s. Dans ce cadre, tout discours qui viserait à mettre dos à dos une population colonisée qui s’organise militairement pour son indépendance, et ses colonisateurs, qui entretiennent et tirent profit de cette situation coloniale, sert l’intérêt de ces derniers. Derrière les invocations du « droit à se défendre » d’Israël se cache en aval le massacre des Palestinien·ne·s. Ce discours, qui présente l’État sioniste comme un État de paix régulièrement attaqué par des forces terroristes islamistes, nie la réalité coloniale au point de comparer la résistance palestinienne aux attentats du 13 novembre en France. 

Nous ne sommes pas dupes de l’imaginaire auquel ce récit fait appel, en convoquant la figure de l’arabe ensauvagé produite par le logiciel colonial. Il s’inscrit dans un contexte occidental caractérisé par son racisme et son islamophobie, et contribue à l’amplifier. Nous ne tomberons pas non plus dans le piège de la confusion entre juif·ves et israélien·nes dicté par la propagande sioniste. La lutte contre l’antisémitisme, dans un contexte de montée de l’extrême droite, doit plus que jamais être prise au sérieux et mérite mieux que de de basses instrumentalisations qui servent à justifier la colonisation. 

Les morts, les viols et les humiliations, constitutifs des situations de guerre, sont toujours tragiques, et nous ne nous en réjouirons jamais. Mais l’invocation du droit à se défendre d’Israël, tout comme les sempiternels appels à la désescalade qui ne s’élèvent que lorsque la résistance palestinienne riposte, s’inscrivent dans le maintien d’un statu quo qui bénéficie intégralement à l’assaillant israélien et qui se traduit, depuis 75 ans, par des exactions quotidiennes à l’encontre des Palestinien·ne·s. Ils constituent, non pas un appel à ce que les morts cessent, ce que nous souhaitons depuis des années, mais à ce qu’ils restent circonscrits au camp palestinien. 

Le gouvernement français a apporté son soutien inconditionnel à l’action militaire israélienne tout comme celui des États-Unis qui a même déplacé son plus gros porte-avion dans la région. Mardi, le ministre de la défense israélienne a annoncé un siège complet de la bande de Gaza, avec privation totale d’électricité, de nourriture, d’eau, de carburant et d’accès à internet. Dans sa déclaration, accompagnée d’une comparaison des Palestinien·ne·s à des « animaux humains », Yoav Galant a annoncé un véritable massacre et aujourd’hui ce sont des milliers Palestien.ne.s (dont 724 enfants) qui ont été assassinés par l’armée d’occupation. Le régime colonial israélien a ordonné l’évacuation de 1,1 millions de gazaouis sous 24h. Celles et ceux qui n’auront d’autre choix que de rester en marge de ce déplacement de population forcé (les personnes invalides et les patient·es des hôpitaux notamment) sont condamné·e·s à un massacre prémédité. Gaza fait, depuis 15 ans, l’objet d’une pratique concentrationnaire qui organise les conditions de possibilité de son nettoyage ethnique aujourd’hui. Ce massacre doit être interrompu immédiatement.

Nous nous refusons à distribuer les bons et mauvais points de la résistance à la colonisation. Toute lutte de libération nationale est par essence hétérogène dans les mouvements qu’elle regroupe, sans que cela n’invalide la justesse de la cause qu’elle défend. La situation coloniale, en ce qu’elle produit un rapport antagoniste entre colons et colonisés, implique que des forces de résistance d’orientations politiques différentes puissent être amenées à se fédérer dans le cadre d’un objectif stratégique commun. 

Aujourd’hui c’est toute la résistance Palestinienne qui frappe ensemble pour défaire la puissance coloniale. Le Hamas n’est pas la seule organisation de lutte de libération de la Palestine qui est qualifiée de « terroriste », il en va de même pour toutes les organisations politiques palestiniennes œuvrant à la libération (y compris par des moyens pacifiques). La lutte pour la libération palestinienne est systématiquement criminalisée, jusqu’en France où l’ensemble des manifestations en soutien à cette dernière ont été interdites et où les organisations qui se sont exprimées en soutien font l’objet d’accusations graves, quand ce n’est pas de poursuites judiciaires. 

C’est au travers de cette grille d’analyse que nous regardons les accusations d’« apologie du terrorisme » dont nous faisons l’objet, car il n’échappe pas à nos yeux que ces accusations ne servent qu’à jeter le discrédit sur celles et ceux qu’elles visent, par celles et ceux qui ont un intérêt à les discréditer. Nous ne faisons pas l’« apologie du terrorisme », nous soutenons le droit du peuple palestinien à résister à l’oppression coloniale. 

Nous appelons : 

À ce qu’Israël mette fin à son occupation et à sa colonisation de toutes les terres arabes en démantelant le Mur ; 

À la reconnaissance des droits fondamentaux des citoyen·ne·s arabo-palestinien·ne·s d’Israël à une complète égalité ;

À la mise en application du droit de retour des réfugié·e·s palestinien·ne·s ainsi que leur droit à retrouver leurs maisons et leurs biens comme le stipule la résolution 194 de l’ONU ;

Et, à terme, l’établissement d’un État unique et laïc, en Palestine historique où tous les habitant·e·s jouiraient des mêmes droits. 

Palestine vivra. 

Palestine vaincra.

Solidaires étudiant·e·s EHESS

Bibliographie 

Articles de presse et rapports : 

Amnesty International, « L’apartheid d’Israël contre la population palestinienne: un système cruel de domination et un crime contre l’humanité », 1er février 2022. 

B’Tselem, « A Regime of Jewish Supremacy from the Jordan River to the MediterraneanSea: This Is Apartheid ». Consulté le 12 octobre 2023.

CSI, « Crise des droits des travailleurs: la situation de la main d’oeuvre palestinienne en Israël et dans les colonies », 12 avril 2021.

Gresh, Alain, « Israël-Palestine. De la colonisation à l’apartheid, en ligne droite ». Orient XXI, 2 mai 2023.

Human Rights Watch, « Abusive Israeli Policies Constitute Crimes of Apartheid, Persecution | Human Rights Watch », 27 avril 2021.

LIBERATION, et AFP, « Israël rend officiellement «illégales» six ONG palestiniennes », Libération, Consulté le 9 octobre 2023.

Pironet, Olivier, « À Gaza, un peuple en cage », Le Monde diplomatique, 1er septembre 2019. 

Ouvrages :

Memmi, Albert, et Jean-Paul Sartre, Portrait du colonisé précédé de Portrait du colonisateur, Folio Actuel 97, Paris, Gallimard, 2002.

Pappé, Ilan, et Chemla, Paul, Le nettoyage ethnique de la Palestine, Paris, Fayard, 2008.

Said, Edward W, Israël, Palestine – l’égalité ou rien, Mayenne, La Fabrique-Éd, 1999.


NOTES
  1. Publié sur leur compte Twitter: https://twitter.com/SolidairesEHESS/status/1713647334553276644 ↩︎
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