Le mouvement lyonnais de solidarité avec les migrantEs

Ananda – paru dans la revue d’octobre 2018 du NPA
Les choix politiques racistes, anti-migratoires et répressifs de la préfecture du Rhône, qui bafoue constamment le droit d’asile, et de la Métropole de Lyon présidée par LREM, qui développe l’externalisation de son service d’Aide sociale à l’enfance (décision initiale votée à l’unanimité, du PG au FN), ne permettent pas de mettre les moyens nécessaires à une politique d’accueil. Face à cette situation, il existe trois pôles de résistance militante dans l’agglomération lyonnaise.

Le réseau des squats

La majorité de la jeunesse solidaire des exiléEs s’investit dans l’occupation de bâtiments vides. Il en existe une dizaine dans l’agglomération, dont l’Amphi Z qui abrite 200 exiléEs. Ces lieux sont propices à l’auto-organisation. Au-delà de la gestion collective des aspects pratiques inhérents à la vie en commun, les demandeurEs d’asile s’organisent contre la préfecture et la Métropole, en animant rassemblements et manifestations sur leurs propres mots d’ordre. Le plus récurrent est la non application de la procédure Dublin. La préfecture ayant en effet le pouvoir discrétionnaire de faire passer les demandes d’asile de la procédure Dublin à la procédure normale, les dublinéEs, avec un ensemble de soutiens organisés, mettent régulièrement la pression sur l’État. Ce réseau d’occupations est le plus exposé à la violence des forces de l’ordre : les expulsions illégales de squats sur ordre de la Métropole sont permanentes et font parfois des blesséEs. Mais à chaque fermeture d’un squat, les jeunes en ouvrent un autre. Il y a près de 25 000 logements vacants rien que dans la ville de Lyon : de quoi satisfaire largement les besoins primaires d’accueil. Pourtant, la Métropole a fait voter un plan de télésurveillance de ses bâtiments vides (caméras de surveillance et alarmes) pour un montant de… 1,8 million d’euros. Le gouvernement est sur le point de faire enregistrer la loi ELAN, dont l’article 58 ter criminalise les occupantEs sans titre. La guerre est permanente contre ces mouvements d’occupation qui, outre les questions d’hébergement, étendent leurs actions à l’aide aux inscriptions à l’Université, contre les centres de rétention administrative, ou contre les expulsions en empêchant l’embarquement dans les avions. Des initiatives sont prises pour fédérer au niveau national l’ensemble des lieux d’occupation similaires.

Le collectif 69 de soutien aux réfugiéEs et migrantEs

Créé en 2015, il regroupe une trentaine d’organisations associatives, syndicales et politiques, ainsi qu’un collectif issu de squats. Ce collectif unitaire permet de mutualiser les informations et de coordonner les actions entreprises en solidarité avec les exiléEs dans le Rhône. Il dénonce la politique générale de contrôle des flux migratoires, combat les lois racistes et liberticides des gouvernements Hollande puis Macron, dénonce la politique irresponsable de la Métropole quant à l’hébergement et la (non)prise en charge des mineurEs isolés, organise réunions publiques, rassemblements et manifestations, et parvient à mettre en mouvement des syndiquéEs. Sa base politique est remarquable pour ce type de collectif large : refus du tri des immigréEs selon le pays d’origine ou les causes de leur exil, droit d’asile sans restriction, abrogation des accords de Dublin, des papiers pour touTEs, abrogation de Frontex, abrogation des lois qui entravent la liberté de circulation et permettent de multiplier les expulsions, fermeture des centres de rétention administrative, des budgets consacrés à l’accueil et non à la chasse aux migrantEs, liberté de circulation et d’installation, prise en charge par l’Aide sociale à l’enfance de touTEs les mineurEs isolés étrangers et scolarisation de touTEs, droit au travail et au logement pour touTEs. Ses initiatives sont particulièrement bien suivies, avec des réunions publiques de plus de 500 personnes, des manifestations à 1500 personnes. Si ce collectif entretient des liens étroits avec le réseau des squats, sa stabilité est régulièrement mise à l’épreuve du fait de la tension de certaines associations vers l’accompagnement de la Métropole. Davantage que le réseau des squats, il attache une importance cruciale à se tourner vers les travailleurEs.

Le réseau des associations plus ou moins institutionnelles

C’est sans aucun doute le pôle de résistance qui brasse le plus de monde, et le plus hétérogène. Sur une orientation humanitaire, les bonnes volontés s’activent quotidiennement pour venir en aide matérielle aux exiléEs : mise en place de repas, d’hébergement chez des personnes, soutien juridique, administratif, psychologique, sanitaire, etc. Un réseau impliquant des enseignantEs et des parents d’élèves s’active par exemple sur un nombre important d’établissements scolaires de l’agglomération pour répondre aux besoins d’urgence des enfants sans toit. Les associations de quartiers se sont multipliées depuis 2015, témoignant d’un réel souci de solidarité de la population. La plupart des associations ont pris part aux États Généraux des Migrations pour tenter d’infléchir la loi asile-immigration. Si elles produisent un ensemble de documentations absolument cruciales pour se faire une idée précise de la situation, beaucoup de ces associations ont une phobie de l’engagement politique qui les conduit à accepter le principe de la gestion des flux migratoires et les oriente vers des stratégies quelque peu éloignées des deux autres pôles : frilosité à mobiliser dans la rue, propension à espérer influencer les éluEs par pétitions ou lettres, revendications d’accompagnement de la Métropole qui satisfont les intérêts macronistes par le développement du bénévolat au détriment de la création de postes de travailleurEs sociaux, etc. Ces énergies sont toutefois réelles et il ne tient qu’à nous de les orienter sur le terrain de l’opposition à toute politique de contrôle des flux migratoires, en massifiant les mobilisations de rue, sur fond d’auto-organisation des exiléEs.

Print Friendly, PDF & Email