Résolution 2023 : ne pas laisser passer la loi Darmanin

2023 commence fort, Macron et son gouvernement continuent d’avancer leurs pions les uns après les autres, de tous les côtés : réforme des retraites, lois sur le logement, le chômage, l’immigration, la police. Impossible de s’y méprendre, cette logique a un sens et de graves conséquences pour notre classe : baisse des droits sociaux, atomisation et mise en concurrence de tou·tes, précarisation des conditions de travail et des ressources et criminalisation de la précarité et de l’immigration… Nombreuses sont les organisations politiques, syndicales, associatives qui veulent combattre ces attaques : tout mouvement sera nécessaire et il va falloir frapper fort.

Les Cahiers d’A2C #06 – JANVIER 2023

Réformes chômage, retraite, loi antisquat 

Le recul de l’âge de départ à la retraite des actif·ves figurait déjà dans le programme d’Emmanuel Macron.

L’idée est de repousser l’âge de départ à la retraite, pour arriver à 64 ans en 2027, puis éventuellement à 65 ans d’ici à 2031-2032, au lieu de 62 ans actuellement. Il s’agit de mettre en place un relèvement progressif de la durée de cotisation, à hauteur de 4 mois par an. Il n’est plus question du régime universel de retraite qu’il proposait lors de son dernier quinquennat.

Ainsi, la volonté est de repousser l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans, mais Élisabeth Borne, lors d’un discours en juillet dernier, a évoqué la possibilité de diminuer l’âge à 64 ans, en contrepartie d’un allongement de la durée de cotisation. Bref, la perspective est la même : travailler de plus en plus longtemps et favoriser notre précarité.

Alors que la hausse des prix des loyers n’étonne plus grand monde, qu’il y aurait 4,1 millions de personnes mal-logées dont plus de 300 000 sans domicile fixe en France, les conditions chaque jour plus difficiles pour réussir à se loger poussent de plus en plus de personnes à avoir comme seule alternative le squat. Eh non, ce n’est pas cette réalité qui est inquiétante pour le gouvernement mais plutôt de quelle manière faciliter l’expulsion de personnes qui réussissent non sans peine à obtenir un logement et à en payer le prix chaque mois.

Adoptée en décembre 2022, la loi antisquat, aggrave les peines encourues ainsi que la simplification de la procédure d’expulsion, et cela parfois sans bénéficier de l’intervention d’un juge. Cette loi va venir attaquer encore et toujours les plus précaires.

Loi immigration : « gentil avec les gentil·les » ou « méchant » avec tou·tes sauf avec les capitalistes ? 

Un pas en avant vers le racisme et le nationalisme : depuis septembre nous faisons face à cette offensive de plus en plus autoritaire, décrite en partie ci-dessus, visant toujours plus notre classe. 

Dans un marasme nauséabond qui peut pousser notre camp à la sidération face à ces attaques, une des luttes prioritaires à mener reste la contre-offensive contre la loi asile et immigration de Darmanin soutenue par le ministre du Travail Olivier Dussopt. Alors que certains syndicats ou collectifs ne l’entendent pas de cette façon et n’argumentent pas sur la logique de se battre à la fois contre cette proposition de loi et, dans le même temps, contre les réformes de l’assurance chômage, des retraites et pour des augmentations de salaires, l’argumentation reste à gagner. Il est nécessaire de lier ces différentes attaques à une logique gouvernementale de plus en plus affirmée.

Ils veulent nous affaiblir, mais si nous sommes des milliers dans les rues, nous avons le pouvoir de nous faire entendre et d’agir en bloc face à cette loi.

La loi immigration n’est ainsi pas une surprise, détachée de la dynamique globale. Il ne s’agit pas d’une loi isolée, reflétant l’autoritarisme et le racisme seulement du ministre de l’Intérieur. Elle est la cristallisation et le passage d’un cap vers le nationalisme et le racisme du gouvernement et de Macron, afin d’asséner un coup de violence supplémentaire envers les personnes sans-papiers. Il s’agit de répondre à des besoins capitalistes et économiques en surexploitant toujours les plus précaires. 

Avant même la proposition de loi, le ministre de l’Intérieur a adressé aux préfets ainsi qu’aux directeurs généraux de la police et de la gendarmerie nationales une circulaire leur demandant notamment d’inscrire au fichier des personnes recherchées les étranger·es faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF). C’est du Darmanin tout craché, représenté par sa volonté crasse d’assimiler l’immigration à la délinquance.

Après l’annonce de novembre, le gouvernement entend régulariser la situation de certain·es travailleur·euses étranger·es, à titre expérimental pendant quatre ans, avec une carte de séjour temporaire mention « travail dans des métiers en tension ». Cette carte ne sera attribuée que sous certaines conditions : si et seulement si la personne a exercé une activité professionnelle salariée dans ces secteurs en tension, depuis au moins huit mois sur les deux années précédentes, et justifie d’une résidence d’au moins trois ans sur le territoire. En plus, cette carte ne sera valable qu’un an. Le gouvernement veut également créer une nouvelle carte de séjour destinée aux professionnel·les de santé pour attirer des médecins étranger·es et « répondre au besoin de recrutement ». Cette mesure devrait s’appliquer alors que le gouvernement ne se préoccupe plus depuis des dizaines d’années du secteur sanitaire et social, sauf pour y rendre de plus en plus difficiles les conditions d’exercice et presser la casse du service de santé. 

Là, ça compte les billets ! L’État reconnaît une valeur aux personnes migrantes seulement si elles répondent à des besoins capitalistes, et dans ce cadre, le titre de séjour conditionné par l’activité salariale permet de continuer de les contrôler. Alors que ce que nous voulons c’est l’égalité pour tou·tes, et les papiers pour tou·tes sans ­condition. 

Maintenant, en ce qui concerne la hausse du contrôle de l’immigration, cette loi permettrait de faciliter les expulsions des personnes étrangères qui (d’après Darmanin donc) ne respecteraient pas les valeurs républicaines ou qui commettraient des infractions sur le territoire. La tangente arbitraire de ces mesures coule de source. Comme les lois migratoires précédentes imposent déjà le respect des valeurs républicaines pour être un·e « bon·ne citoyen·ne immigré·e », alors qu’il n’est jamais difficile pour un gouvernement raciste de prétendre au comportement non républicain d’une personne, cette présente loi va accélérer les jugements, et l’expulsion nécessitera de moins en moins de conditions préalables pour être exécutée car les quelques « protections » obtenues pour s’opposer à une obligation de quitter le territoire français (OQTF) seront aussi supprimées par cette loi. En effet, lorsqu’une personne migrante se verra accusée de constituer une menace pour l’ordre public ou la sûreté de l’État, elle sera encore plus facilement expulsable : des accusations, sans nul doute, de nouveau majoritairement arbitraires. 

Les contrôles aux frontières seront renforcés. C’est donc « la double peine » (criminalisation et expulsion) telle que le ministre de l’Intérieur l’a toujours assumée, autorisant « le recours à la coercition pour le relevé des empreintes digitales et la prise de photographies » des migrant·es sans-papiers. Les passeurs vont risquer jusqu’à vingt ans de prison. Le but sera de piéger de plus en plus de migrant·es d’origine principalement africaine, car ce sont elleux qui se retrouvent souvent dans l’obligation de faire appel à un passeur dans leur parcours migratoire. L’objectif sera de dissuader et criminaliser davantage ces personnes en rendant toujours plus mortifère les traversées de la Méditerranée. 

Action après action : nous gagnerons ! 

Face à l’urgence d’agir contre cette loi, plus de 50 rassemblements et manifestations ont eu lieu à l’occasion de la Journée internationale des migrant·es ce 18 décembre. 

À l’appel des collectifs de sans-papiers et de la Marche des solidarités, plus de 200 organisations ont appelé à ces manifestations. Des appels à manifester et à lutter contre la loi Darmanin ont été lancés par les syndicats (CGT, Solidaires, FSU), la LDH, La France insoumise…

Nous voici maintenant début 2023 : quelques semaines après la scandaleuse coupe du monde au Qatar qui a engendré la mort a minima de 6 500 personnes migrantes sur ses chantiers de préparation, mais aussi un flot de discours racistes contre les supporters de l’équipe marocaine. Dans cette même période, des crimes ont été orchestrés par des groupes fascistes : en décembre, deux personnes membres d’un collectif antifasciste lyonnais ont été gravement agressées par une milice fasciste. Alors notre camp doit agir ! 

C’est dans cet atmosphère que Macron et Darmanin en faisant flamber leur logique raciste assimilent les étranger·es à la délinquance, une énième loi allant contre les droits des personnes migrantes, sans-papiers, étrangères, et lorsque le gouvernement s’attaque férocement à une partie de la population, il s’attaque insidieusement à toute la société, tout en cherchant à nous diviser. La loi Darmanin « asile et immigration » sera sûrement déjà présentée au Conseil des ministres à l’heure où vous lirez cet article, car elle doit être présentée mi-janvier puis examinée par le Sénat à la même période et à l’Assemblée nationale en mars ou avril 2023. Nous avons donc 3 mois pour renverser la tendance, et crier notre solidarité antiraciste dans tous les lieux dans lesquels nous sommes : au travail, dans nos quartiers, nos universités, dans les espaces militants dans lesquels nous intervenons et partout où nous le pouvons.

Ce 18 décembre ne peut donc qu’être une date parmi tant d’autres à venir pour établir un rapport de forces conséquent d’ici mars afin d’affaiblir la confiance que prend le gouvernement qui nous éclabousse de sa logique impérialiste raciste. Ce qui a pu être mis en œuvre le 18 est une base à continuer de mobiliser avant mars et encore après. Collectifs de personnes sans-papiers, syndicalistes, collectifs antifacistes, antiracistes et féministes, c’est l’affaire de chacun·e d’entre nous, alors prenons la confiance de nous mettre en action. 

Le 20 janvier, la Marche des solidarités appelle tou·tes celleux qui veulent s’informer et s’impliquer à une assemblée de mobilisation à la Bourse du travail de Paris (salle Hénaff à 18 h). Elle appelle les 50 villes qui ont organisé des manifestations le 18 décembre à prévoir dès que possible des assemblées locales partout où c’est possible.

La rue, elle est à qui ? Elle est à nous !

La crise d’organisation politique dans certaines villes, les partis qui se divisent, l’accumulation des crises telle que la crise climatique, la crise énergétique dûe notamment à la guerre en Ukraine, ainsi que son instrumentalisation par Macron et Borne, nous poussent au repli sur nous-mêmes, d’autant plus avec la banalisation de la présence des milices fascistes dans les rues, de l’extrême droite dans les médias, et les 89 député·es à l’Assemblée… 

Et pourtant… c’est bien pour cela que nous devons continuer de nous investir, redynamiser et massifier les mouvements sociaux pour reprendre confiance en nous. 

Poursuivre notre engagement dans les luttes, pour rester solides et solidaires ensemble, c’est cette boussole qu’il va falloir préserver dans notre action politique pour rebalancer le rapport de forces en notre faveur. 

« Mais il faut une volonté pour que le combat social s’articule avec d’autres luttes et notamment le combat contre la loi Darmanin. À défaut, il existe des forces déjà bien trop déterminées dans ce pays qui peuvent surfer sur la colère sociale pour l’entraîner vers le racisme et le nationalisme.Infliger une défaite de grande envergure à Macron et Darmanin, redonner de l’espoir, repousser le racisme et isoler les fascistes, tout cela est possible. C’est maintenant. »1« Loi Darmanin : comment gagner ? », Marche des solidarités 

Aude Pointier, Nantes, et Daniela Lima, Toulouse

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Notes

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1 « Loi Darmanin : comment gagner ? », Marche des solidarités