Tout ça pour ça ? Kanaky – France, la nécessité de la défiance !

On dit que les grands événements et personnages de l’histoire arrivent toujours par deux1 : la première fois en tant que tragédie, la seconde en tant que farce2. Il en est ainsi des accords de Bougival signés le 12 juillet dernier, 37 ans après les accords de Matignon, et dont le préambule est nommé Le pari de la confiance.

Domination et répression coloniale

Comme en 1988, cet accord arrive après une répression sanglante de la part de l’État français contre les indépendantistes. Dans les années 80, pendant la période dite “des événements”, 1 personne sur 2.000 était tuée. En 2024, ce sont treize Kanak qui ont été assassinés par les forces coloniales ou des milices de colons. Sept dirigeants indépendantistes de la CCAT ont été déportés dans l’Hexagone dans des conditions indignes. Plus de 60 déplacés sont encore emprisonnés dans l’hexagone. Les enquêtes sur la mort des Kanak assassinés n’ont donné aucun résultat. Un état d’urgence assorti d’une interdiction de manifester dans le Grand Nouméa et environs a duré du 15 mai 2024 au 13 avril 2025. La tribu de Saint-Louis a subi pendant huit mois des check-points (appelés « verrous »), couplés à des mesures infamantes de restriction des libertés3. La réponse de la France à la mobilisation des Kanak a exposé la continuité du rapport colonial qui régit depuis 1853 les relations entre l’hexagone et la Kanaky Nouvelle-Calédonie d’une part, et entre les colons et les Kanak d’autre part.

C’est dans ce contexte de meurtres extra-judiciaires, d’enfermement des principaux dirigeants indépendantistes, de suppression administrative des libertés que s’est tenue la rencontre de Bougival. Sous la pression de la détérioration de la situation économique4 et en l’absence d’une mobilisation à la base des indépendantistes, ce qui a dominé la séquence précédente n’était pas l’esprit de la révolte kanak contre le colonialisme français et pour la justice sociale, économique et écologique, mais la démoralisation, la dégradation du rapport de force entre indépendantistes et loyalistes ainsi que l’injonction libérale au retour de la croissance, de la consommation des ménages et de l’investissement. Dans la logique ultra-capitaliste qui caractérise la politique macronienne depuis 2017, la confiance des investisseurs et les profits des actionnaires l’emportent sur les aspirations des peuples à s’autodéterminer. La jeunesse kanak, ainsi que les exploités de toutes nationalités n’ont qu’à attendre les retombées de ce ruissellement qui nous est toujours promis, mais qui n’arrive jamais.

Illusions, trahisons et réjouissances

Eloï Machoro détruisant une urne le 18 novembre 1984

Les camarades qui ont signé cet accord se sont égarés, ils ont perdu de vue les aspirations du peuple Kanak ou, au moins, ont oublié les leçons transmises par Eloï Machoro, Déwé Gorodey, Alphonse Dianou et tant d’autres militants kanak connus ou oubliés : La décolonisation, l’Indépendance Kanak et Socialiste, la pleine souveraineté ne pourront pas s’obtenir à travers les mécanismes et la médiation de l’État colonisateur et de ses classes dominantes.

Lorsqu’il ne peut plus recourir à ses moyens de violence physique, l’État français a une longue expérience et un large éventail de manœuvres politiques et d’entraves économiques pour maintenir sa domination et ses intérêts : assassinats ciblés, état d’urgence, corruption directe, monopole monétaire, collusion progressive des élites locales, divisions inter-ethniques ou inter-confessionnelles…

La participation aux institutions politiques françaises, si elle peut s’avérer tactiquement justifiée, reste un jeu dangereux dans lequel les individus sont entraînés, influencés, déformés. La logique, le langage, les systèmes de valeur et les horizons possibles de ces institutions coloniales s’imposent petit à petit aux individus et participent à leur déconnexion progressive du peuple et de la jeunesse qui les y ont placés. La seule garantie contre ces influences et déformations est que les représentants se soumettent à l’examen permanent des représentés, leur rendent des comptes et respectent le périmètre de leur mandat. 

Parmi les 19 représentants politiques signataires de l’accord, on trouve 8 indépendantistes : quatre membres de l’UC-FLNKS5, un du RDO-FLNKS et trois du Palika. Ce dernier parti, issu des Foulards Rouges et du groupe 1878 d’inspiration marxiste, a depuis longtemps abandonné son contenu de classe initial et son anti-colonialisme radical. Tout au long de 2024, sa condamnation de l’insurrection indépendantiste et de la CCAT, son absence de solidarité envers les prisonniers politiques, la jeunesse réprimée et la tribu de Saint-Louis, ainsi que de son départ de la maison commune du FLNKS concordaient à sa stratégie d’indépendance-association avec la France. 

Le Palika s’est transformé en un porte-parole supplémentaire du libéralisme et de l’individualisme occidental. Face à cette mentalité héritée du colonialisme, doit-on rappeler avec Nelson Mandela que c’est toujours le colonisateur qui détermine les moyens de lutte du colonisé? Les émeutes, les incendies de commerces, de banques de colons ou de la Serpentine, les affrontements avec l’armée coloniale, les mutineries, les car-jacking, etc. sont autant de moyens d’actions désespérés mais légitimes d’un peuple colonisé, discriminé, ségrégé, appauvri, mis en minorité sur sa terre. Par ailleurs, toutes ces “exactions” comme adorent les appeler les anti-indépendantistes, n’ont que fait des dégâts matériels. Ce sont les Kanak qui ont subi 13 assassinats, qui subissent la justice coloniale, qui souffrent le plus de la pauvreté et des inégalités.

Barrage indépendantiste à Nouméa le 22 mai 2024

Notre solidarité avec elles et eux doit être totale, qu’ils soient président du FLNKS, mutin de Camp Est, déplacés dans l’hexagone ou familles de martyrs. C’est avec leur force et leur énergie que l’on pourra reconstruire Kanaky, à condition de rétablir la confiance rompue entre la jeunesse kanak et les partis indépendantistes. De faire un pari de confiance, non pas avec les ministres de Macron, l’Etat français et les colons, mais avec l’ensemble de la population kanak, des villes aux tribus, exploités comme au chômage, en prison et en France, ainsi qu’avec tous ceux, toute nationalités confondues, qui subissent également le capitalisme, moteur de la logique coloniale et qui voudront prendre le par(t)i de l’IKS.

En ce qui concerne les onze autres signataires, tous anti-indépendantistes et allant du centre au soutien à Marine Le Pen ou à Zemmour, leur réjouissance et leur espoir en cet accord devrait suffire à nous alerter7. Quel accord célébré par Backès, Metzdorf, Ponga, Darmanin et Macron pourrait être une avancée positive? D’ailleurs, parmi les loyalistes les plus forcenés, certains prévoient déjà la fin de la revendication d’indépendance grâce à ces accords.

Colonie de peuplement – nouveau passage en force

En tant que colonie de peuplement de l’Empire Français (avec l’Algérie), les enjeux démographiques sont intimement liés à l’exercice d’une réelle démocratie en Kanaky. Selon l’archéologue Christophe Sand, plusieurs centaines de milliers d’autochtones peuplaient l’archipel avant sa “découverte” par James Cook. En un siècle et demi, ce sont entre 86% et 91% des habitants qui auraient disparus, entre épidémie importée et massacres coloniaux. Au recensement de 1921, il ne restait plus que 27 000 autochtones6.

Lors du “boom du nickel” dans les années 60, lié à l’essor de l’aéronautique et de la demande en armement, la France organisa l’immigration de nombreux français de l’hexagone et des autres TOM du Pacifique. De 86 000 habitants en 1963, la population calédonienne passe à 133 000 individus en 19768

Aujourd’hui, le peuple Kanak représente environ 40% de la population9. Le reste étant les Européens (~24%) et les populations asiatiques emmenées par la France pour y travailler et marginaliser démographiquement les Kanak.  Imaginez quelqu’un s’imposant de force dans votre foyer avec sa famille et faisant venir ses amis pour ensuite exiger que chacun ait le même pouvoir de décision, tout ça après s’être octroyé les meilleures chambres et avoir volé la majorité de vos ressources? Ceci n’a rien de la démocratie réelle et tout du pillage colonial !

Le mouvement du 13 mai 2024 a surgi en réaction au vote à l’assemblée nationale d’une loi portant modification du corps électoral. Depuis les accords de Nouméa, en 1998, le droit de vote aux élections provinciales et aux référendums spéciaux était réservé au peuple kanak et aux autres ethnies installées par l’histoire (descendants des colons pénaux appelés Caldoches, et descendants des coolies asiatiques). Il s’agissait d’une victoire de la lutte indépendantiste des années 1980 qui a forcé l’État français à reconnaître les souffrances issues de la colonisation.

Ces mêmes accords prévoyaient trois référendums sur l’indépendance après une période de vingt ans. Ils ont eu lieu en 2018, 2020 et 2021. En voici les résultats : 

OuiNonParticipation
201843,33%56,67%81,01%
202046,74 % (+3,41%)53,26 % (-3,41%)85,69 % (+4,7%)
20213,5% (-43,24%)96,50 (+43,24%)43,87 % (-41,8%)

Entre le deuxième et le troisième référendum, l’inversion de la tendance haussière du oui à l’indépendance et la division par deux de la participation s’expliquent par la non-participation des Kanak et de nombreux caldoches : L’archipel venait de subir une inédite vague de décès liés au COVID-1910. Pour les peuples du Pacifique en général, la période de deuil nécessite de longues cérémonies coutumières, incompatibles avec le temps politique d’une campagne électorale. Malgré un report demandé par les indépendantistes, le Sénat coutumier, les deux Églises, les États voisins et de nombreux spécialistes de l’archipel, Macron, Lecornu et les dépendantistes, paniqués face à la progression du Oui à l’indépendance, ont maintenu le référendum. S’il a donc une validité légale formelle, ce résultat n’a aucune validité politique. Un référendum sur l’autodétermination, obtenu en reconnaissance de l’oppression coloniale, sans la participation et contre l’avis du peuple colonisé relève du hold-up et du déni de démocratie. Et c’est pourtant sur l’autorité de ce troisième référendum que sera votée la loi portant dégel du corps électoral et que sera établi l’accord de Bougival. “Circulez, ya rien à voir”, la “démocratie” a parlé !

Nouméa – Bougival : un recul

Avant d’aborder le contenu des accords, il peut être utile de citer quelques passages du préambule des accords de Nouméa, pour en resituer l’esprit : 

“La relation de la Nouvelle-Calédonie avec la métropole lointaine est demeurée longtemps marquée par la dépendance coloniale, un lien univoque, un refus de reconnaître les spécificités, dont les populations nouvelles ont aussi souffert dans leurs aspirations.”

“Le moment est venu de reconnaître les ombres de la période coloniale, même si elle ne fut pas dépourvue de lumière.

Le choc de la colonisation a constitué un traumatisme durable pour la population d’origine.

Des clans ont été privés de leur nom en même temps que de leur terre. Une importante colonisation foncière a entraîné des déplacements considérables de population, dans lesquels des clans kanak ont vu leurs moyens de subsistance réduits et leurs lieux de mémoire perdus. Cette dépossession a conduit à une perte des repères identitaires.”

“La colonisation a porté atteinte à la dignité du peuple kanak qu’elle a privé de son identité. Des hommes et des femmes ont perdu dans cette confrontation leur vie ou leurs raisons de vivre. De grandes souffrances en sont résultées. Il convient de faire mémoire de ces moments difficiles, de reconnaître les fautes, de restituer au peuple kanak son identité confisquée, ce qui équivaut pour lui à une reconnaissance de sa souveraineté, préalable à la fondation d’une nouvelle souveraineté, partagée dans un destin commun.”

Ce préambule a clairement des lacunes. En tant qu’accords issus de la victoire de l’Etat colonial sur la lutte indépendantiste, il s’abstient bien de pointer les responsabilités de la France, de son État et des colons, d’envisager de véritables réparations aux préjudices subis et assure la continuité de la mainmise française sur le destin de la Kanaky. 

Mais il a le mérite de reconnaître le peuple kanak, son identité, sa culture. Il évoque les injustices subies, les souffrances, les traumatismes historiques et garantit aux Kanak l’accès à des droits spécifiques en tant que peuple premier de l’archipel.

Dans l’accord de Bougival, le peuple kanak disparaît au profit d’un unique peuple calédonien. Seul reste une référence à l’identité kanak, un élément parmi d’autres de la mosaïque ethnique calédonienne. En même temps, les discussions avaient mal commencé : mercredi 2 juillet, le président du FLNKS, Christian Téin, se voyait refuser l’entrée au sommet sur l’avenir de Kanaky à l’Elysée. Après avoir passé un an à l’isolement en détention provisoire à Mulhouse sous des chefs d’accusation fallacieux qui répondaient à une justice coloniale. Cette offense ainsi que le choix de tenir les discussions à Bougival, à 17.000 km du territoire concerné, avec une délégation constituée majoritairement d’anti-indépendantistes témoignent de l’arrogance coloniale, du mépris des choix des Kanak et d’une violence symbolique qui en laissait également présager l’issue.

Venons-en au contenu de ces accords : 

  • Création d’une nationalité calédonienne : Cette mesure contribue à la dilution du peuple kanak et conditionne cette nationalité au maintien de la nationalité française.
  • Modification du corps électoral : d’un collège bloqué à la période historique de la colonisation, les accords prévoient de passer à un collège électoral glissé sur 15 ans. Cela admettra de fait 12 000 personnes au collège électoral spécial et représente une incitation supplémentaire à l’installation de nouveaux colons français. C’est ni plus ni moins que la fin programmée de la revendication d’indépendance par des moyens démocratiques et légaux.
  • Modification de la loi organique spéciale : Cette disposition ouvre la possibilité d’une partition plus grande de l’archipel entre la province du Sud, loyaliste, riche et blanche et les provinces du Nord et des Îles.
  • Transfert de compétences : Les accords de Nouméa prévoyaient le transfert progressif des compétences non-régaliennes et la possibilité du transfert des compétences régaliennes (défense, sécurité, monnaie, justice et relations internationales) aux institutions de Nouvelle-Calédonie si le Oui l’emportait. L’accord de Bougival ne prévoit que le transfert des relations internationales, à condition de rester dans le cadre des “engagements internationaux et des intérêts fondamentaux de la France”. Et sans autonomie monétaire, militaire ou judiciaire, ce transfert de compétence est purement symbolique.
  • Ce transfert de compétences s’accompagne d’un projet de former des élites administratives, diplomatiques, judiciaires et militaires locales. Ce projet augmentera la différenciation entre une couche supérieure de Kanak formés aux idéaux et acquis aux intérêts de la France et la majorité des Kanak qui continueront de subir l’inégalité d’accès à la formation et aux études supérieures.
Formation au RSMA
  • Instauration d’un Service militaire volontaire et renforcement du Régiment du service militaire adapté, dispositif colonial d’embrigadement et de disciplinarisation de la jeunesse kanak. Aucune autre politique envers la jeunesse n’est prévue.
  • Création d’une police administrative de Province et d’une police coutumière sur les terres coutumières : A l’instar des deux dispositions précédentes, il s’agit ici d’une mesure pour intégrer une partie de la population à la logique libérale et répressive de l’Etat capitaliste français. 
  • Construction d’un nouvel établissement pénitentiaire : La prison de Camp Est, occupée à plus de 90% par des kanak, dispose de conditions de vie inconcevables11 au regard des autres prisons françaises, déjà régulièrement épinglées pour leur insalubrité et leur surpopulation. Pour autant, la construction d’une nouvelle prison, dans le cadre d’une justice coloniale, n’a rien de réjouissant pour le peuple kanak. Les seules solutions seront d’ordre social et économique.
  • Monnaie : elle reste la compétence exclusive de la France. Mais la France est généreuse et le nouvel Etat Calédonien pourra y apposer ses signes identitaires !
  • Économiquement, il est prévu de “rétablir les équilibres et l’attractivité du territoire”. Derrière ce jargon libéral, il s’agit évidemment de réduction des dépenses publiques, de rationalisation de l’administration, et d’incitations fiscales à l’investissement et à la consommation des plus riches, au détriment de la nature et des plus pauvres.
La Serpentine incendiée
  • Nickel : La reconstruction économique passe par un plan stratégique de la filière. Il s’agit de “sécuriser l’accès à la ressource” et de “renforcer l’acceptabilité de l’exploitation minière pour les populations. Alors même que le coût environnemental et social de cette extraction est largement condamnée par la jeunesse kanak12 qui veut préserver ses paysages, la biodiversité de ses rivières et ses terres ancestrales. Par ailleurs, selon l’ancien élu et conseiller économique Laurent Chatenay, la dépendance économique au nickel est une illusion coloniale et un pari ruineux au vu de l’évolution du marché mondial13.
  • Enfin, l’accord prévoit de reporter les élections provinciales à mai-juin 2026, soit après l’adoption du nouveau collège électoral favorable aux loyalistes, alors même qu’elles devaient avoir lieu en mai 2024. Mais la crainte d’un résultat trop favorable aux indépendantistes a poussé l’Etat français à les reporter plusieurs fois dans l’attente d’une configuration électorale plus favorable. Encore une fois, la démocratie n’a de valeur que si elle répond aux intérêts coloniaux !

Quelle voie pour l’IKS ?

L’Indépendance Kanak et Socialiste reste le seul horizon capable de mettre un terme à la domination coloniale et de garantir la pleine souveraineté de Kanaky. La répression militaro-judiciaire, le chantage économique, la démoralisation et la démobilisation ne sont que des reflux temporaires : ils n’empêcheront pas le peuple Kanak de se lever contre l’oppression et de construire une société respectueuse de la nature et des peuples. La récente libération de nos prisonniers politiques, la condamnation par le conseil d’Etat du blocage de TikTok, la suspension des interdictions administratives de rassemblement, la très faible popularité du gouvernement Bayrou sont autant de brèches dans la domination coloniale française desquelles il faut profiter.

Face à ce projet d’accord, il faut mener une campagne active pour le non ou pour un boycott actif, selon ce qui apparaît le plus juste au FLNKS. Cette campagne doit s’accompagner de revendications pour la vérité et la justice des martyrs kanak assassinés, pour le rapatriement immédiat de tous les prisonniers politiques et déplacés dans l’hexagone, contre la diminution des budgets sociaux, éducatifs et de santé et pour la justice sociale et écologique. A cette condition, le mouvement insurrectionnel du 13 mai peut renaître de ses cendres.

Les groupes d’actions de la CCAT sont un point d’appui solide pour remobiliser les indépendantistes et redonner confiance à la jeunesse kanak. Bien que trop tardivement, dans l’hexagone, de nombreux groupes de soutien ont vu le jour et des partis politiques ont pris position en solidarité avec la Kanaky. Un lien plus étroit avec ces forces sociales et organisations politiques anticoloniales doit être développé, en restant prudent sur les risques de récupération ou d’instrumentalisation. Le mouvement de solidarité à la Palestine témoigne de la force des aspirations anticoloniales de millions de français. La lutte pour l’IKS et celle contre le génocide en Palestine peuvent et doivent se renforcer mutuellement. Enfin, la crise sociale et économique qui agite toutes les autres colonies françaises crée un terreau fertile pour le développement des luttes contre la domination coloniale de l’Etat et des grands groupes capitalistes français, comme l’a montré la mobilisation contre la vie chère en Martinique récemment.

Partout dans le monde, les peuples se soulèvent contre les diktats néolibéraux, l’explosion des inégalités, le dérèglement climatique, la course à la guerre et le développement des idéologies racistes et d’extrême-droite. L’horizon de Kanaky ne doit plus dépendre de la bonne volonté des actionnaires, de la consommation des croisiéristes, des cours du marché du nickel ou de l’évolution des rapports de force entre puissances impérialistes. 

L’immense majorité d’entre nous, que ce soit en Kanaky, dans les autres drom-com et même dans l’hexagone, a intérêt à un changement de système, à la fin de la domination capitaliste qui détruit les corps et la nature. Ce qui nous manque, c’est l’espoir et la confiance que c’est possible de gagner. Le peuple kanak, par sa détermination, son unité, son ouverture et son respect des écosystèmes, bien que minoritaire sur sa terre, peut gagner l’IKS et entraîner avec lui caldoches et autres minorités nationales qui n’ont rien d’autre à perdre que leur chaîne. Il peut ouvrir la voie aux peuples et colonisés du monde entier. Pour qu’au lieu de la barbarie coloniale, ce soient la solidarité, la justice et l’égalité qui deviennent les modèles sur lesquels construire notre futur commun.

En hommage à Jybril Salo, Nasaie Doouka, Chrétien Neregote, Daniel Tidjite, Lionel Païta, Joseph Poulawa, Rock Victorin Wamytan, Marco Caco, Johan Kaidine, Samuel Moekia, leurs familles et amis ainsi que tous les martyrs et prisonniers du colonialisme français

Gabriel Cardoen, militant d’A2C – Strasbourg et membre du collectif Solidarité pour Kanaky Alsace.

  1. Merci à Isabelle Atrua et Emmanuella Danguigny pour les discussions qui ont mené à la rédaction de cet article, ainsi qu’à tous les membres du SPK Alsace. Merci également à Vic Michel et Luc Tournabien pour leur relecture et leurs précieux conseils. Le idées, erreurs et approximations exprimées ici restent de la seule responsabilité de l’auteur ↩︎
  2. Karl Marx à propos de Louis-Napoléon Bonaparte, sous les ordres de qui le contre-amiral Fébvrier-Despointes a pris possession de l’archipel de Nouvelle-Calédonie. ↩︎
  3. https://www.mediapart.fr/journal/france/101224/nouvelle-caledonie-la-france-elle-fait-la-guerre-avec-qui-ici ↩︎
  4.  Croissance en baisse de 14 points pour 2024. 13.000 disparitions d’emplois. -25% d’investissements sur un an. 4 Mrds de Francs CFP de perte pour les 4 banques néo-calédoniennes, arrêt de la production de  l’usine du Nord Koniambo Nickel SAS. Baisse constante du cours du nickel depuis 2022. Source : IEOM
    ↩︎
  5.  UC : Union Calédonienne ; RDO : Rassemblement Démocratique Océanien, Palika : Parti de libération kanak.
    ↩︎
  6.  https://la1ere.franceinfo.fr/nouvellecaledonie/reactions-apres-l-accord-sur-la-nouvelle-caledonie-les-partenaires-politiques-livrent-leur-satisfaction-et-leurs-concessions-1604076.html
    ↩︎
  7. Décoloniser la Kanak-Nouvelle-Calédonie, Benoît Trépied, ed. Anarchasis. ↩︎
  8. id. ↩︎
  9. A titre de comparaison, les Algériens représentaient 9/10 de la population en Algérie pendant la guerre. ↩︎
  10. 1er septembre 2021 : 0 décès
    1er novembre 2021 : 265 décès
    ↩︎
  11. https://www.mediapart.fr/journal/france/191224/nouvelle-caledonie-les-ecrits-desesperes-des-detenus-de-la-prison-de-noumea ↩︎
  12. https://reporterre.net/En-Nouvelle-Caledonie-de-jeunes-Kanaks-se-levent-contre-l-industrie-du-nickel ↩︎
  13. https://www.facebook.com/story.php?story_fbid=1531818777796723&id=100029058462454&rdid=1dlTvMjWd4k7dOiA# ↩︎