Condamnations fermes dans le procès de la voiture de police brûlée : Police partout, justice complice !

Ce matin, mercredi 11 octobre, le tribunal de Paris était l’annexe d’un commissariat, au propre comme au figuré. Au propre : triple fouille pour entrer, des dizaines de policiers et de gendarmes nassaient littéralement le hall de la salle d’audience où se tenait le délibéré du procès des inculpés pour la voiture de police brûlée le 18 mai 2016 au quai Valmy.
Au figuré : le tribunal a suivi le parquet qui avait suivi l’injonction gouvernementale à « des sanctions implacables ». Tout cela dans la logique de la nouvelle loi inscrivant les mesures de l’état d’urgence dans le droit commun votée ce même jour à l’Assemblée nationale.
Malgré le manque de preuves en dehors du témoignage anonyme (!) d’un flic des RG, le tribunal a décrété « l’absence de tout doute raisonnable » pour condamner à des peines de prison 7 des camarades inculpéEs pour un total de 29 années !
Un des inculpéEs, sous mandat d’arrêt, a été condamné, en son absence à 7 ans de prison ! Deux autres, condamnéEs respectivement, à 4 ans (dont 2 ans avec sursis) et 5 ans (dont 2 ans et 6 mois avec sursis) sont retournéEs en prison. Trois autres ont été condamnés à des peines de prison ferme mais sans mandat de dépôt. Ils ont donc pu sortir libres du tribunal. Un des inculpéEs, accusé uniquement pour avoir regardé la scène sur le trottoir a été condamné à 1 an de prison avec sursis pour avoir « encouragé les violences par sa présence » ! Les deux derniers inculpés ont été relaxés (alors même qu’ils avaient été dénoncés par le fameux témoin anonyme).
Le président du tribunal a annoncé la couleur dès ses premières phrases en déclarant que syndicat de police Alliance pouvait se porter partie civile puisque l’on crie « Tout le monde déteste la police » dans les manifs.
La suite sera à l’avenant. Comme l’avait fait le procureur, le président a rendu un hommage appuyé au courage des policiers. L’instruction avait dû se résoudre à requalifier les faits, abandonnant le chef d’inculpation pour homicide volontaire qui ne tenait manifestement pas. Mais le président du tribunal a expliqué qu’en sortant du véhicule, les policiers ont « échappé à une mort certaine ». Plus tard il a assuré que le fumigène lancé dans la voiture « aurait pu blesser ou tuer les policiers ». De manière à justifier ces abus il osait même ajouter qu’« un fumigène est aussi dangereux au moins qu’un cocktail molotov » ! Dans la même veine il aurait pu dire qu’une tige flexible était au moins aussi dangereuse qu’une rafale de fusil-mitrailleur. Mais ça il n’a quand même pas osé.
Le plot lancé sur le pare-brise de la voiture n’a même pas été vu par les policiers et est tombé sur le coin bas ? Qu’importe, pour justifier la « gravité des actes » le président explique qu’ils « auraient pu le recevoir en pleine tête ».
Parlant de la camarade, « venue d’un autre continent » (en l’occurrence des Etats-Unis), le président, notant qu’elle était allée au Kurdistan, explique que si elle n’y avait pas fait la même chose c’est parce qu’alors « vous auriez disparu de la circulation ». Mais, pour le président, à la différence du Kurdistan, la France est un pays où « la police fait un usage proportionné de la force ». C’est pour cette raison qu’elle y a attaqué la police « parce qu’il n’y avait pas de danger de perdre votre vie ». Quel exploit : faire oublier en même temps que c’est l’armée turque qui réprime au Kurdistan et que la police française tue régulièrement dans nos quartiers !
Mais la négation des crimes racistes commis régulièrement par la police est allée encore plus loin quand le président a osé faire l’équivalence entre des flics « agressés parce qu’ils sont policiers et l’agression des Noirs ».
Que pouvaient alors valoir les faits face à une telle logique ?
Les contradictions avérées dans le témoignage du RG ? On n’en parle même pas. Tout ce qui est à charge est bon à prendre. Alors ne restait plus qu’à lister les fameux « faisceaux d’indices », la couleur d’un caleçon, le reflet rouge de la monture des lunettes, la couleur des sourcils pour l’un et l’épaisseur des sourcils pour un autres, les cernes autour des yeux ou la taille supposée d’un téléphone jugée à la déformation qu’il fait dans la poche d’un pantalon… Voilà les « faits probants » cités pour justifier « l’absence de tout doute raisonnable » et condamner à des peines de prison ferme !
Alors, bien sûr, il y a le soulagement normal de ceux des inculpés qui sont sortis libres du tribunal.
Mais, comme eux, on ne doit pas oublier les deux camarades reconduitEs en prison, les 50 000 euros accordés à l’Etat, au syndicat Alliance et aux deux flics. Cette solidarité minimale doit être prise en charge collectivement.
On ne doit pas oublier qu’un des inculpés qui a été relaxé a fait 42 jours en prison.
On ne doit pas oublier que ce procès a encore plus légitimé, pour l’avenir, les peines de prison ferme pour des dégâts matériels. Qu’il a légitimé des condamnations basées sur le soupçon et le délit d’opinion.
On ne doit pas oublier qu’il s’agissait seulement, pour l’appareil judiciaire, de légitimer et renforcer un Etat de plus en plus policier.
Face à cela, à ce qui vient ainsi, on ne peut que s’alerter du silence assourdissant lors de ce procès de la plupart des organisations qui appellent à la lutte contre les attaques sociales du gouvernement Macron.
Parce que les tribunaux et les prisons comme les frontières sont des murs qui bouchent toute voie vers l’émancipation de toutes et tous, notre solidarité inconditionnelle face à la répression est incontournable.

Denis Godard, le 11 octobre 2017
Article écrit l’Anticapitaliste

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