Attaque islamophobe à Nanterre ou le dur « après élection »

Samedi 14 mai, j’ai été attaqué et humilié par trois nazis islamophobes. Pour saisir les enjeux de l’affaire, je vais d’abord revenir sur l’attaque en tant que tel pour ensuite la replacer dans le contexte politique du moment.

 Une attaque motivée par des convictions identitaires et islamophobes

Il est 04h16. L’appel du muezzin retentit dans la mosquée de Nanterre. Je me rend à la mosquée pour la prière du matin.

Une fois mon devoir religieux accompli, je m’apprête à rentrer chez moi. Pour me rendre de la mosquée jusqu’à chez moi, j’emprunte un chemin qui passe par un parc départemental : le parc André Malraux. Je porte une chéchia. Sauf que voilà… Si mes coreligionnaires peuvent m’identifier, mes adversaires aussi. Parmi lesquels des islamophobes violents. Trois d’entre eux se trouvaient dans le parc à mon retour. Lorsque je passe à côté du banc où ils s’étaient assis, ils m’apostrophent : « Qu’est-ce que tu fous là ? Est-ce que t’as du fric ? Il avait quel taille l’oiseau qui t’a ch*é ça sur la tête ? ». Je continue de marcher sans les regarder. Je ne sais pas encore si ce sont de simples racketteurs ou des nazis en recherche d’une cible. Il est 04h45, j’entends au son qu’ils sont plusieurs et j’ai un train à prendre. Pas le temps, ni l’aptitude (soyons honnête) à jouer les gros bras de l’antifascisme. Je suis sûr de perdre. Mais ces nazis ne l’entendent pas de cette oreille. Ils décident de lever leurs fesses de là où ils étaient assis et de poser leurs cannettes de bière par terre le temps d’humilier un musulman.

Dès qu’ils me voient (et voient que je suis converti) les attaques verbales se précisent. Je serai le traitre à ma patrie, à ma race… Ils me bloquent le passage : un à chaque côté et le troisième en face de moi. Je peux voir à qui j’ai affaire : bombers vert kaki, cheveux ras (sans être pour autant le fameux crâne rasé des skinheads). Là ses copains me mettent une chiquette, une balayette et je me retrouve au sol. Ils m’immobilisent au sol, la tête écrasée contre la terre (mes lunettes se sont même pétées). Ils essaient de me voler de l’argent (que je n’avais pas sur moi). Et là, c’est l’humiliation. Une phrase me reste gravée : « Vous les musulmans, vous aimez bien vous mettre à genoux pour vous faire enc… ». Le tout en me palpant de façon prononcée mes fesses. Un combo islamophobe, homophobe. Après une période que je ne saurais pas quantifier, ils me laissent repartir. Je suis surpris : on ne peut clairement pas dire que sur le plan physique j’ai pris cher. Par contre sur le plan psychologique, c’est une autre histoire.

En rentrant je prends le temps de prier et de me calmer, en effet cette agression fasciste est d’autant plus dur a gérer pour moi ayant subis des violences sexuelles étant plus jeune, je suis déjà dans une position psychologique fragile. J’ai finalement décidé d’appeler la police. Même si je n’ai aucune confiance ni dans la police et encore moins dans la justice, cet appel est une sorte de protection pour moi : il y a quelque part un document attestant que j’ai déposé une main courante faisant état que j’ai alerté qu’une bande avait commis une agression à caractère islamophobe dans ce parc. On ne pourra pas faire comme si je n’avais rien dis. Si au début, je pars pour passer mon week-end prostré chez moi, c’était sans compter le soutien de mes camarades. Après avoir été remotivé, je décide d’aller les rejoindre à  Marseille avec du retard par rapport à l’horaire prévu, pour notre weekend de discussions politique.

  Un contexte de violence fasciste

Cette attaque n’est pas un fait divers ou un fait isolé : c’est un fait politique s’inscrivant dans un contexte politique de danger fasciste et de violence fasciste. Mort de Frederico Martin Aramburu, ou encore l’attaque d’un bar à Paris, et ce ne sont que deux exemples très récents. Les actes de violences d’extrême droite se multiplient. Dans la cité où j’habite, quelques jours avant l’agression, des autocollants de l’Action Française avait été collés. Après un « nettoyage », ces stickers avaient été recollés une nouvelle fois. 11 344 230 voix pour l’extrême droite (RN + R + DLF) au premier tour n’est pas un score anodin. Avoir une fasciste au second tour qui réunit 13 297 760 voix (soit près de 2 millions de votes en plus par rapport au premier tour) crée une dynamique. Et une dynamique fasciste, ça fait des blessé-e-s, des mort-e-s et des humilié-e-s…

Face à cela, il faut être intraitable sur la menace que représente le fascisme. Ne leur laisser aucune marge de manœuvre. Les dernières campagnes menées contre la NUPES et ce, même par une partie de leurs alliés comme le PCF, montrent bien que la progression politique du fascisme se marie bien avec une progression médiatique. On notera de nouveau la déferlante islamophobe contre les candidats issus de l’immigration ou encore de nouveau avec la nouvelle affaire concernant le port du burkini à Grenoble. Les fascistes s’organisent d’abord autour du racisme et de l’islamophobie. Il faut l leur répondre en construisant dans notre classe un mouvement de masse contre le racisme sous toutes ses formes (contre l’islamophobie, pour la régularisation de l’ensemble des sans papiers et l’ouverture des frontières, et contre les violences policières,…)  et le fascisme notamment avec la campagne antiracisme et solidarité, qui d’ailleurs appelle a être massivement dans la rue, partout en France, contre le racisme et le fascisme : On attends pas !

Adrien (Nanterre)

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