En 1934 comme en 2020, face aux fascistes, il faut faire front !

Faire front est une superbe pièce d'archive. La 
réédition avec la préface de Laurent Lévy permet de retracer le contexte général de ce récit livré par Marc Bernard, participant et témoin des journées de février 1934. Il contient toujours d'importantes leçons stratégiques pour la lutte contre le fascisme et le racisme aujourd'hui.

6 février : les fascistes tentent un coup d’état

Le 6 février 1934, sous couvert de dénonciation d’affaires de corruption, les ligues fascistes et associations d’anciens combattants appellent à manifester contre le nouveau gouvernement du cartel des gauche. En réalité, ils réagissent à l’éviction du préfet de Police de Paris, Jean Chiappe, qui avait coutume de protéger les manifestations d’extrême-droite. Des dizaines de milliers participèrent à cette journée d’émeute qui menaça physiquement le parlement et qui fera plus de 30 morts et des milliers de blessés. Sous la pression de la rue, à cause de l’obstruction de la police et de la justice et par sa déconnexion totale des masses ouvrières antifascistes, le gouvernement Dalladier fut contraint de démissionner le lendemain et fut remplacé par un gouvernement de droite.

12 février : un modèle pour l’unité d’action antifasciste

À ce moment-là, le danger fasciste est omniprésent en Europe : la contre-révolution a gagné en Hongrie, Mussolini est au pouvoir depuis 12 ans en Italie et Hitler vient d’arriver au pouvoir en Allemagne.

En France, le mouvement ouvrier est déchiré entre les socialistes et les communistes qui ont chacun leur propre organisation politique et syndicale. La SFIO se caractérisait par une foi aveugle dans le parlementarisme pour protéger la république du danger fasciste ; tandis que la direction du PC, assujettie à la politique de l’Internationale stalinienne qui désigne les partis socialistes comme un danger plus grand que les partis fascistes. La IIIe internationale ne tirait aucun bilan de l’échec de cette politique en Allemagne.

Ainsi les nombreux documents d’époque du livre nous montrent comment, face aux appels à l’unité antifasciste lancés par la SFIO, le PCF répondait par le mépris en assimilant les dirigeants socialistes aux fascistes et en appelant les ouvriers socialistes à quitter leur direction pour joindre les troupes communistes. Les dirigeants communistes montraient une nouvelle fois leur incapacité criminelle à comprendre la nature singulière du projet politique et de l’idéologie fasciste.

Heureusement, les organisations ouvrières au complet appelèrent à une journée de grève générale pour le 12 février. Cette journée reste la plus grosse grève générale française avec 5 millions de grévistes.

À Paris, les ouvrier.es étaient plus que 150.000 à manifester. Communistes et socialistes avaient chacun leur propre cortège. La base militante de ces organisations avaient bien trop conscience du danger fasciste pour laisser leurs directions limiter leur riposte.

Alors que beaucoup craignaient des heurts entre les deux cortèges, la base imposa la jonction des deux cortèges communistes et socialistes au son de « Unité ! » sur le cours de Vincennes et la place de la Nation. Cette unité dans l’action des organisations ouvrières permit de fédérer au-delà de la seule addition des 2 partis et syndicats considérés et de mettre en ordre de bataille l’ensemble de la classe ouvrière, indépendamment de son soutien à l’une ou l’autre de ces organisations.

Les masses écrivent l’histoire

Faire Front nous montre avec brio comment les masses prolétariennes de Paris et de province ont freiné la progression du fascisme en France. Elles ont permis d’ouvrir une nouvelle séquence lutte. Cet exemple de la nécessité d’un mouvement de masse unitaire pour triompher du fascisme reste une référence.

Ainsi, en 2013 en Grèce, après le meurtre de Pavlos Fyssas par les nazis d’Aube Dorée, ce sont 2 jours de grève générale et une manifestation de 60.000 personnes qui permirent de lever l’immunité parlementaire de leurs députés et de tous les mettre en prison et en examen pour appartenance à une organisation criminelle.

Quand les masses prennent part à la politique de manière aussi active, aussi directe que dans ces occasions-là, il devient impossible de gouverner sans tenir compte de leurs volontés et l’histoire peut prendre un autre chemin. C’est ainsi que la police de Minneapolis a dû être dissoute, que des statues centenaires ont été abattues ou que Castaner a dû désavouer, même temporairement, le racisme et les violences polcières.

Gabriel Cardoen
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