Du 10 septembre au 18 décembre : Nos luttes n’ont pas de frontières !

Début novembre nous en sommes déjà au quatrième gouvernement en moins d’un an ! Le dernier est tombé avant même de siéger ! Cette instabilité n’est pas un accident.

Elle provient de l’incapacité de plus en plus évidente du système parlementaire à contenir les contradictions du capitalisme et en premier lieu les antagonismes de classe. 

Ces convulsions du système parlementaire passeront par différentes phases. Elles n’auront cependant, à terme, que deux issues possibles.

La première est la suppression de toute démocratie. Sa forme la plus probable serait le fascisme. 

A l’échelle mondiale, la compétition économique se transforme en affrontements politiques et militaires et la bourgeoisie a besoin d’États-nations autoritaires et militarisés pour se maintenir au pouvoir. Les fascistes ne sont pas les moteurs de cette trajectoire. En revanche, dans tous les pays où ils disposent d’un parti, cette tendance peut les porter au pouvoir s’ils ne sont pas stoppés.

Il y a une autre issue possible : notre classe qui s’organise dans tous les quartiers et lieux de travail pour prendre en main les tâches politiques de la période, entraîner la majorité et se donner alors les moyens de renverser le capitalisme. C’est la seule possibilité de démocratie réelle, celle qui a régulièrement pris la forme des conseils ouvriers (de la Russie de 1905 et 1917 à la Hongrie de 1956 et l’Iran de 1979, en passant par l’Allemagne de 1918 et l’Italie de 1919).

C’est de ce point de vue qu’il faut analyser le mouvement qui s’est organisé autour de l’appel du 10 septembre.* 

Bloquons tout !

Alors que le gouvernement Bayrou annonçait un budget d’austérité historique en plein été, la riposte n’est pas venue des directions syndicales ou politiques mais d’un appel viral.. 

En quelques semaines, des assemblées locales se sont multipliées dans tout le pays, donnant corps à une dynamique de classe indépendante des directions traditionnelles. 

Face à la crainte d’un mouvement incontrôlable, la bourgeoisie a sacrifié son propre gouvernement pour ramener la crise sur le terrain institutionnel.

Pourtant, malgré la chute du gouvernement et les manœuvres des directions syndicales, la mobilisation du 10 septembre a dépassé les attentes. Plus de 800 actions répertoriées, des secteurs en grève et des grèves locales et 250 000 manifestant·es.

Le 18 septembre, appelé cette fois par les directions syndicales, a amplifié la participation tout en en affaiblissant l’autonomie.

C’est donc possible !

Le 10 septembre est une claque à tous les discours défaitistes à gauche qui font porter la responsabilité de la situation à… notre classe. Trop individualiste, sans conscience, passive etc.

Mais quand on l’appelle réellement au combat elle peut se lever. Et des initiatives minoritaires peuvent prendre un caractère de masse.

Cela n’est pas automatique mais les exemples de ce phénomène se multiplient : soulèvements populaires au Népal, Madagascar et au Maroc, grève de masse en solidarité avec la Palestine en Italie1, millions sous le slogan No Kings aux Etats-Unis, grèves de masse en Grèce organisées à l’appel des familles de victimes d’un accident de train.

Il faudra, il faudrait plus de réseaux coordonnés ne serait-ce que pour faire remonter et visibiliser tout ce qui casse les discours dominants.

Car cette dynamique n’est pas uniquement celle des centres urbains. Des assemblées ont eu lieu dans les campagnes. Des communes autour de Rennes se sont organisées et ont monté un village avec chapiteau où se tenaient des assemblées quotidiennes pendant 10 jours. Cela a permis, grâce à la confiance accumulée, d’organiser dans la foulée une mobilisation locale à Piré-sur-Seiche pour empêcher le Canon français de Sterin de tenir un banquet  d’extrême-droite dans un château de la commune.

Une alternative

A la différence des Gilets Jaunes, le mouvement du 10 a été très vite pris en charge par des réseaux militants, courants autonomes, collectifs de sans-papiers et la Marche des Solidarités, courants antifascistes, syndicalistes (généralement opposants aux directions), courants de la gauche révolutionnaire, membres de la France Insoumise…

Ce sont souvent elles et eux qui ont pris l’initiative des réunions, des assemblées pour ne pas rester dans le virtuel des réseaux sociaux d’où était sorti initialement l’appel.

Des assemblées locales ont eu lieu sur tout le territoire rassemblant en août plus de 15 000 participant·e·s dans au moins 150 communes. Des assemblées ont aussi eu lieu dans certains secteurs (culture, éducation, santé, travail social…). 

Le 10 et le 18 des assemblées se sont tenues dans des lieux comme La Défense à Paris ou en lien avec le piquet de grève du plus grand centre logistique d’Amazon dans la région parisienne.

Ce sont donc ces milliers d’activistes radicaux qui ont permis concrètement la mobilisation de centaines de milliers de jeunes et de travailleurs et travailleuses. Qui ont fait chuter un gouvernement. Et effrayé les directions traditionnelles de la gauche. Ces directions qui mènent de défaites en défaites.

Alors ?

1- Un mouvement de masse, un mouvement de notre classe, est possible. En France comme ailleurs. 

2- Des milliers, des dizaines de milliers, d’activistes, radicalisés, sur nos quartiers, dans nos lieux de travail, dans les écoles et universités, pourraient devenir une direction alternative aux directions traditionnelles.

Les deux points sont liés.

1- Le mouvement de masse est la clef. On ne changera pas le système par l’action d’une minorité, soit-elle constituée de dizaines de milliers. Que ce soit par les élections, des actions déterminées ou la grève dans quelques secteurs dits stratégiques.

Les raisons en sont simples. L’État est une structure de classe qu’on ne peut mettre au service de l’égalité et du bien commun. Surtout en période de crise du capitalisme. 

Mais c’est aussi un outil de domination puissant de plus en plus militarisé. Nous avons besoin de toute la force collective de notre classe pour le renverser.

2- Cette mise en mouvement et surtout son organisation comme pouvoir collectif sur nos quartiers et lieux de travail dépend largement de l’intervention de dizaines de milliers de militant·e·s implanté·e·s et coordonné·e·s pour aller dans cette direction.

C’est un combat 

Ces dizaines de milliers d’activistes sont actuellement loin de partager les analyses et stratégies permettant de faire des tests communs.

Il nous faut mener en particulier – en pratique et dans les arguments – le combat pour convaincre de la centralité de la question de classe et de l’importance de la grève. Pas seulement pour bloquer l’économie mais aussi comme moyen d’organisation, d’émancipation et de pouvoir collectif. Pas pour se cantonner à la lutte économique mais pour unir notre classe autour de luttes politiques, en premier lieu contre le racisme, le fascisme et la guerre.2

A ce titre, l’initiative lancée par la Marche des Solidarités, les collectifs de sans-papiers et collectifs de mineur.e.s isolé.e.s pour une journée de grèves, de blocages et de manifestations le 18 décembre est une opportunité qui peut pour construire unité et solidarité de classe.

Quelle organisation ?

Une autre question essentielle est celle de l’organisation révolutionnaire. L’audience d’organisations aussi différentes que la France Insoumise, Révolution Permanente ou autres, montre que le besoin d’une direction politique radicale se développe.

Le théoricien sans doute le plus déformé (et contesté !) du parti révolutionnaire est le révolutionnaire russe Lénine.

Sa conception du parti a été présentée comme celle d’une armée disciplinée et se substituant à la classe ouvrière pour porter le parti au pouvoir.

Cette vision correspond assez bien, sous des formes différentes, à la logique de la plupart des organisations existantes, qu’elles soient réformistes ou révolutionnaires.

Mais pour Lénine, le parti révolutionnaire à construire était l’opposé d’une armée de soldat·e·s suivant des chefs et se substituant au mouvement. 

Il disait que ce devait être un parti de dirigeant·e·s, ultimement de centaines de milliers d’activistes, coordonné·e·s mais capable d’autonomie, implanté·e·s, légitimes, écouté·e·s dans tous les milieux, proposant et argumentant pour l’auto-organisation de classe et de masse et le renversement de l’État.

C’est pour cela que nous voulons renforcer l’autonomie de notre classe, c’est à-dire tout ce qui lui permet de se penser comme le seul pouvoir politique alternatif possible et voulons faire grandir les rangs de celles et ceux qui, avec cette boussole, agissent, font les expériences, mènent les discussions, proposent des stratégies dans le mouvement et pour le mouvement en même temps qu’ils et elles se regroupent et élaborent au sein d’une même organisation.

A2C
  1. Sur le Maroc : voir l’article sur le site
    Sur l’Italie : voir l’article sur le site ↩︎
  2. Plus d’un million d’habitant.es de New York ont voté pour celui qui a déclaré après son élection : « New-York restera une ville d’immigré.es ! Une ville construite par les immigré.es. Qui marche grâce aux immigré.es. Et désormais dirigée par un immigré ! » Alors qui a raison : celles et ceux qui s’adaptent à l’opinion supposée en faisant des concessions au racisme et ne font que creuser un peu plus le sillon pour les fascistes. Ou celles et ceux qui lèvent clairement le drapeau ? ↩︎