Jusqu’à récemment, Brest semblait épargnée par la présence fasciste. Quelques groupes isolés avaient tenté de recruter et de s’organiser sans succès. Mais, comme ailleurs, les barrières sont en train de céder : cet été, un groupuscule fasciste a mené une série d’agressions quasi hebdomadaires. En réponse, la riposte s’organise. Ces dernières semaines, une assemblée antifasciste hebdomadaire, aujourd’hui à sa huitième édition, s’est formée. Elle a su mobiliser largement les Brestois·es déterminé·es à travers actions et rassemblements, affirmant que Brest est et restera antifasciste.
Les Cahiers d’A2C #19 – novembre 2025
Face aux agressions d’un groupe de fachos à Brest ces derniers mois, comment s’est organisée la riposte antifasciste et comment la renforcer dans le temps ?
Une descente de fachos place Guérin
Dans la nuit du 20 au 21 septembre 2025, une trentaine de fascistes masqués et armés ont attaqué, aux cris de « Brest nationaliste », les clients du Café de la Plage, place Guérin, lieu populaire et militant, solidement ancré à gauche du quartier Saint-Martin. Les personnes présentes se sont défendues et, après quelques minutes, sont parvenues à faire battre les fascistes en retraite.
Cette attaque a eu un grand retentissement et les vidéos de l’attaque ont largement tourné dans la presse nationale. Cependant, elle est loin d’être un acte isolé. Alors que le sous-préfet, JeanPhilippe Setbon, cherche à dépolitiser l’attaque en l’attribuant à un groupe hooligan qui existerait isolément d’un groupuscule d’extrême droite, et à mettre dos à dos les victimes et les agresseurs, il est important de replacer cette attaque d’une extrême violence dans un contexte plus large.
Summertime : ratonnades et complicité
Depuis des mois, les violences d’extrême droite se multiplient à Brest: au moins douze agressions cet été, la plupart commises par le même groupe d’une dizaine d’individus. Elles visent des personnes racisées, LGBT ou identifiées comme de gauche, souvent de nuit, autour du port et du centre.
Ces fachos se réunissent impunément dans deux lieux : le bar Cocorico et la discothèque Baroombar. Malgré leur déni, ces deux établissements ne peuvent ignorer les agissements de ce groupe, puisque de nombreuses agressions ont eu lieu à proximité directe de ces lieux, qui continuent pourtant d’accueillir ces membres.
Au Baroombar, c’est une, voire deux agressions qui ont été commises devant le videur, a priori sans que cela empêche les fachos de continuer leurs soirées dans cet établissement.
La façade du bar Cocorico et ses abords étaient, de leur côté, jusqu’à peu, recouverts de stickers avec des croix celtiques, symbole néonazi bien connu.
Qui sont-ils ?
Certains appartiennent au groupe Talion, apparu en 2023 lors d’un rassemblement contre un centre d’accueil à Saint-Brévin-les-Pins. Beaucoup sont aussi liés au milieu ultra du Stade Brestois.
Dans une ville plutôt marquée à gauche, avec un fort passé ouvrier, on peut déplorer l’absence de bases politiques minimales au sein des groupes ultras. Si les Celtic Ultras (CU) et les Ultras Brestois (UB) se réclament d’un apolitisme de façade, plusieurs de leurs membres ont été vus lors de l’attaque du Café de la Plage.
Ces faits confirment une porosité entre extrême droite et tribunes, notamment à la Section West (SW), une trentaine d’individus intégrés à la tribune Quimper, où les militants fascistes cherchent à recruter. Le stade est pour eux un terrain à conquérir et la mouvance ultra un vivier de recrutement.
Ils sont dangereux, nous sommes nombreux∙ses !
Ces attaques ont renforcé les espaces d’organisation et fait naître de nouveaux liens. Une première assemblée antifasciste a été appelée le 15 septembre aux Halles Saint-Martin et a rassemblé plus de 300 personnes ! Elle a été l’occasion de faire un point sur la situation, d’en analyser les enjeux et de décider des premières actions à mettre en place pour faire front contre le fascisme et le racisme.
Les premières décisions de cette assemblée ont été de lancer des appels à se rassembler sur le lieu de chaque nouvelle agression, si de prochaines survenaient, d’organiser une manifestation le jeudi 25 septembre et de continuer à s’organiser au sein de l’AG.
Quand l’attaque du Café de la Plage a eu lieu, la réaction a été immédiate : 1500 personnes se sont rassemblées le lendemain sur place, reprenant la rue aux cris de « Brest Brest antifa ! » et « Siamo tutti antifascisti ! »
Le 25 septembre, malgré l’interdiction préfectorale, une nouvelle manif a réuni encore 1500 personnes. CRS, fouilles, gazages : la répression était violente, mais la détermination intacte.
L’assemblée a lancé plusieurs campagnes d’affichage

La première : « Stop aux agressions fascistes et racistes », affichée dans 150 à 200 commerces indépendants affirmant leur refus des discours de haine. La seconde visait à dénoncer les établissements complices, concentrée sur le port et l’espace public. Contrairement aux réactions ponctuelles du passé, ces assemblées veulent durer et s’ancrer dans la lutte quotidienne.
Le soutien du G.A.R.B.A.
L’existence préalable du collectif Groupe d’Antifascistes Révolutionnaires Brest et Alentours (GARBA) a été une ressource précieuse. Malgré un démarrage lent, il a offert un appui matériel et communicationnel décisif, diffusant communiqués et appels bien au-delà de Brest. GARBA reste le seul collectif public faisant le lien entre militant·es, journalistes et organisations.
Il interpelle aujourd’hui le Stade Brestois pour qu’il prenne clairement position, rappelant que la tolérance face aux fachos, c’est déjà de la complicité. Les tribunes doivent être antiracistes !
Quelles suites ? S’ancrer à Brest
L’enjeu majeur est de sortir du cadre «guérinois» et de toucher toute la population brestoise. Une commission « Festival antifasciste/antiraciste : Brest ouverte et solidaire » prépare un mois d’événements début 2026 dans les quartiers populaires : débats, concerts, moments festifs pour diffuser les idées antiracistes et antifascistes. Ce festival, prévu avant les municipales, aura une portée politique : rappeler que, même si la percée du RN paraît improbable à Brest, la Bretagne reste dans leur viseur.
Coordination régionale
Grâce aux liens entre collectifs bretons et GARBA, l’assemblée brestoise s’ancre désormais dans une coordination régionale. Lors de l’AG antifasciste de Saint-Brieuc (11 octobre), plusieurs actions ont été décidées :
• mobilisation en cas de dissolution du gouvernement ;
• rassemblements antifascistes coordonnés début décembre.
La prochaine AG régionale se tiendra à Brest le 22 novembre, signe de la place prise par la ville dans le mouvement.
Que faire des agressions ?
Malgré l’élan, les violences continuent : une nouvelle agression homophobe a eu lieu le 10 octobre, suivie d’un rassemblement d’une centaine de personnes sur le port. Les agresseurs doivent désormais être identifiés et confrontés pour qu’ils ne puissent plus frapper.
L’élargissement de la lutte antifasciste : une espérance contre la peste brune
Nous sommes convaincu·es que la lutte antifasciste a besoin d’espaces ouverts et rejoignables, qui peuvent s’articuler habilement avec des collectifs antifascistes plus fermés. Ils permettront de débattre avec le plus grand nombre des grandes orientations stratégiques que la période nous impose. Les récents événements nous ont permis de nous regrouper et d’agir, de prendre conscience de notre force collective, de nous donner la confiance que nous pouvons et devons nous organiser à la base et dans la durée !
Certain·es craignent que l’assemblée s’essouffle, mais chaque semaine encore, des dizaines de personnes reviennent, dont beaucoup de personnes néo-militantes. Elles nous rappellent l’évidence : ce n’est que par la pratique et la mise en commun que nous gagnerons.