Brochure : Palestine vivra, Palestine vaincra

En bas de page, vous retrouverez le PDF de la brochure sur la Palestine d’A2C. Vous pouvez aussi vous la procurer en contactant des membres d’A2C.

Les attaques du 7 octobres sont présentées par certain.e.s comme un acte irrationnel d’une organisation terroriste motivée par la haine antisémite. Rien n’est plus faux.
Les attaques du 7 octobres font partie de la longue lutte du peuple palestinien pour son émancipation et son droit à l’autodétermination face à l’occupation et la colonisation. Le 7 octobre est pensé comme une réponse à deux blocages stratégiques : celui de la cause palestinienne en général et celui du Hamas à Gaza.
L’accélération de la colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem et la normalisation en cours ou planifiée des relations d’Israël avec un nombre d’États du Moyen-Orient (les accords d’Abraham) réduisaient lentement mais sûrement l’horizon de l’autodétermination pour le peuple palestinien. Embourbé à Gaza sous blocus, le Hamas se voit réduit malgré lui à jouer le rôle de cogestionnaire de l’occupation israélienne. Selon le chercheur Tariq Baconi, “c’est dans ce contexte que le Hamas choisit de démentir l’idée qu’il a été endigué et de réapparaître en tant que parti armé.”
L’opération vise à infliger une défaite surprise à Israël et à l’obliger à s’asseoir à la table des négociations en position défavorable, d’autant plus que la société israélienne est elle-même en proie à des divisions internes.
Les dirigeants du Hamas espéraient aussi que l’attaque du 7 octobre déclencherait un nouveau soulèvement populaire en Cisjordanie et même parmi les Palestinien.ne.s des territoires occupés en 1948.
En réaction, le gouvernement et l’armée israélienne se sont fixés pour objectifs de détruire totalement le Hamas et de récupérer les otages par la force. Leur échec est évident au bout d’un an de guerre génocidaire contre le peuple palestinien : malgré la destruction d’une grande partie de sa force militaire, le Hamas et les autres factions armées survivent à Gaza et continuent d’infliger des pertes quotidiennes à l’armée israélienne, alors que celle-ci détourne son attention vers le Liban pour en faire le nouveau théatre de ses massacres.

Dans ce contexte, certains arguments nous paraissent importants quant à la stratégie menée par le Hamas.

Le Hamas n’a pas réussi à faire asseoir Israël à la table des négociations pour lever le blocus de Gaza et libérer des prisonnièr.e.s palestinien.ne.s. Malgré de fortes secousses internes, l’Etat colonial semble avoir réussi à dépasser – pour l’instant – ses divisions, fut-ce au prix de la vie des otages abandonnés à Gaza. Après tout, comme le soulignait le militant palestinien Majd Kayyal avant le 7 octobre 2023, les divisions internes à Israël portent sur le contrôle “des moyens d’opprimer” le peuple palestinien. Israël a réussi à gérer tant bien que mal la seule pression militaire du Hamas et de ses alliés, justement car elle n’a pas été sujette à la pression d’une troisième Intifada en Cisjordanie.
Ce constat doit mettre en valeur une limite sérieuse de la stratégie du Hamas. Si elle est rhétoriquement mise en valeur, la mobilisation populaire est, dans le discours et la pratique du Hamas, dénuée de ses propres dynamiques. Elle est vue comme devant être déclenchée automatiquement par l’acte militaire d’une minorité de combattants héroïques. Bien qu’il ait célébré le soulèvement de 2021 et qu’il en ait appelé à un nouveau, le Hamas n’a absolument pas préparé de mobilisation par en-bas en Cisjordanie, ni avant le 7 octobre ni après. Il a plutôt encouragé la formation de cellules de résistants armés dans différentes villes de Cisjordanie. Opérant dans des conditions très difficiles, cernées d’un côté par l’occupation israélienne et de l’autre par les forces de l’ordre de l’Autorité palestinienne, les groupuscules armés, malgré leur popularité et leur héroïsme indéniables, n’ont pas suffi pour changer le rapport de force en l’absence de mouvement de masse.
Face à l’occupation et la colonisation, le droit à la lutte armée est un droit indéniable du peuple palestinien et de toutes ses organisations, qu’elles soient de gauche ou nationalistes, laïques ou islamistes. Mais cette reconnaissance n’empêche pas de critiquer les stratégies de ces organisations. Par son approche élitiste et son instrumentalisation de la lutte par en-bas, le Hamas reproduit en réalité les erreurs passées de la gauche laïque palestinienne, comme développé dans un article de cette brochure.

Mais la stratégie de libération nationale de la Palestine ne peut se limiter à une analyse de la stratégie du Hamas et du mouvement de masse ou non des palestinien.nes sur leur territoire. Les stratégies d’affaiblissement de l’État colonial se jouent également en dehors de la Palestine et du Moyen-Orient. En effet, Israël ne peut survivre sans le soutien militaire, politique et financier des États impérialistes occidentaux et à leur tête, les Etats Unis. Depuis un an, le mouvement de solidarité mondial pour la Palestine se révèle donc être un acquis historique et stratégique pour l’émancipation du peuple palestinien.

Des batailles à mener et des arguments à gagner dans le mouvement de solidarité

Dans la rue, dans les quartiers, sur les campus et parfois même sur les lieux de travail, des millions de personnes se sont mobilisées et continuent à le faire pour dénoncer Israël comme une puissance colonisatrice et raciste, coupable de crimes de guerre et de nettoyage ethnique.

La France n’est pas en reste. Les combats politiques menés depuis un an, malgré la violente répression policière et judiciaire, ainsi que l’abattage médiatique en faveur d’Israël, ont permis de gagner une nouvelle génération à la solidarité avec le peuple palestinien.

Mais le mouvement doit désormais trouver un second souffle et s’étendre. Il reste donc des batailles à mener et des arguments à gagner.

Beaucoup d’organisations de gauche et d’extrême-gauche ont renvoyé le Hamas et Netanyahu dos à dos. Elle s’appuient sur une analyse abstraite du Hamas en tant qu’organisation islamiste (décrit comme théocratique, obscurantiste et antisémite) plutôt que de le voir comme ce qu’il est avant tout : un courant majeur de la lutte de libération nationale palestinienne.

La vision caricaturale adoptée par une grande partie de la gauche constitue un obstacle à une critique sérieuse du Hamas et des limites de sa stratégie. Elle peut déboucher sur un positionnement problématique dans le conflit, comme celui invitant la classe ouvrière palestinienne à s’allier avec la classe ouvrière israélienne. Mais les intérêts matériels de cette dernière la placent fermement dans le camp de la colonisation, comme l’explique un article publié dans cette brochure.

Le mouvement Palestine en France, comme dans beaucoup d’autres pays, fait face à l’accusation systématique d’antisémitisme. Celles et ceux qui s’opposent au sionisme, qui est un projet colonial et raciste, seraient donc motivé.e.s par la haine des Juif.ve.s. Cette imposture est décortiquée et réfutée dans un article de cette brochure, mais la question est en lien avec la forme principale de racisme en France, l’islamophobie. En participant massivement à la manifestation de soutien à Israël en novembre 2023, l’extrême droite s’est elle-même blanchie de son passé et de son présent antisémite, pour mieux accuser tous.te.s les musulman.e.s d’antisémitisme.

Il est donc nécessaire de construire des liens entre le mouvement de solidarité avec la Palestine et les mouvements antiracistes, en particulier contre l’islamophobie. Leurs destins politiques sont en partie liés : les offensives islamophobes réduisent le terrain sur lequel il est possible de construire la solidarité avec la Palestine et l’opposition à l’impérialisme français qui est allié à Israël.

Pour mener à bien ces arguments et tant d’autres, et continuer à étendre le mouvement de solidarité avec les Palestinien.ne.s, les comités locaux joueront un rôle central. Ils peuvent servir de base de mobilisation grâce à leur ancrage et les liens qu’ils développent avec les autres mouvements, les sections syndicales, etc. Les discussions locales qui peuvent lier à la fois la situation politique générale et les retours d’expérience de terrain, rendent les comités incontournables dans les discussions politiques qui déterminent la stratégie du mouvement de solidarité avec la Palestine.