Se tuer au boulot, plutôt crever !

Il y a un an, nous étions en mouvement, et nous devrons bientôt à nouveau nous mobiliser, contre « la loi travail et son monde ». Mais au-delà d’une Nième loi de régression sociale et démocratique, c’est quoi ce travail ? Et c’est quoi ce monde ?
A qui coute le travail ?
Maladies professionnelles, accidents du travail, Troubles Musculo-squelettiques, déformations physiques et psychique, licenciements brutaux, isolement, discriminations en tous genres, subordination contractualisée à la hiérarchie jusqu’au harcèlement, Risques Psycho-Sociaux, dépression, burn-out, suicides, stress, humiliations quotidiennes, dont la première est ce foutu réveil qui sonne,… Il n’est pas besoin ici de s’étendre sur les méfaits du travail réellement existant.  Aucun salaire ne peut racheter tout ce qu’on a souffert, « le temps payé ne reviens plus, la jeunesse meure de temps perdu » (La vie s’écoule, la vie s’enfuie, Raoul Vaneigem).
Quiconque a gouté aux joies de l’esclavage salarié, le sait, le vit dans sa chair: si le travail a un coût dans cette société, c’est pour les travailleuses, les travailleurs et leur santé. Et non pour les patrons comme tentent de nous le faire croire économistes libéraux, politiciens professionnels, journalistes serviles, « grands patrons » et autre « capitaines d’industrie » à longueur de journée dans les médias.
Et c’est précisément ce que signifiait le mot d’ordre #OnVautMieuxQueCa !, qui a contribué à lancer la mobilisation du printemps dernier : personne ne pourra mieux parler de notre travail et de ses conditions de réalisation que nous même. Nous ne laisserons pas ceux, dont l’emploi est au mieux fictif, au pire parasitaire, décider sans entendre « nos voix de prolétaires qui disent y en a marre, marre de se lever tous les jours à cinq heures pour prendre un car, un train, parqués comme du bétail, marre de la machine qui nous saoule, la tête, marre du chefaillon, du chrono qui nous crève, marre de la vie d’esclave, de la vie de misère. » (Les Nouveaux Partisans, Dominique Grange) 
C’est une bataille idéologique majeure que d’imposer un autre récit du travail que celui des grands moyens et petit chefs, de saboter à la base leurs élucubrations hégémoniques sur le « cout du travail ». C’est, entre autre, pourquoi il nous est nécessaire de réactiver la pratique de l’enquête ouvrière.
«Tous ne mourraient pas, mais tous étaient frappés ».
Prétendant appréhender toute valeurs à travers la « mesure misérable du temps de travail abstrait », le capitalisme réduit le travail au salariat c’est-à-dire à la participation au cycle infernal de sa reproduction. Quand, il pourrait être, devrait être, une « façon d’appréhender l’activité collective ». C’est la malédiction biblique que le Capital impose aux travailleurs, « tu gagneras ton pain  à la sueur de ton front ». C’est la domination du « travail mort » sur le « travail vivant ». C’est la réduction de toute valeur à la valeur d’échange, alors que, comme le dit la chanson, « travail facile ou besogne très dur n’ont de valeur qu’en leur utilité ». (Le triomphe de l’Anarchie, Charles d’Avray)
Notons que la difficulté, la souffrance, ne sont pas tant attachées à la tâches à effectuer, mais plutôt aux conditions de sa réalisation dans le mode de production capitaliste. Ainsi, par exemple, si des ouvriers produisent des pneus (ou des bonbons, ou des briques, ou que sais-je encore) en 3/8, ce n’est pas pour des raisons opérationnelles de production, mais bien pour des raisons d’amortissement du capital fixe, des raisons de productivité capitaliste, de sauvegarde/restauration/accroissement des profits. La souffrance au travail, n’est donc pas liée au travail lui-même, mais bien au capitalisme.  Car « le travail et le désir ne sont en contradiction que dans le cadre de rapports de production, de rapports sociaux et de rapports familiaux bien défini, ceux du capitalisme et du socialisme bureaucratique». (F. Guattari)
 Tout le monde déteste…
Transformant toutes productions humaines en marchandise destinée, non pas à satisfaire un besoin, mais à être vendu en vu de dégagé du profit, le capitalisme vide tous nos travaux concrets (je visse des boulons, j’éduque les gamins des autres, je soulage sexuellement un handicapé social, je torche le cul des vieux dans un EPADH, j’écris des livres,…) de leur véritables sens, de leur utilité première. Ce n’est pas parce qu’il va être utile à quelqu’unE ou à la société que mon travail est validé, mais par sa capacité à générer du profit. M’enchainant ainsi au cercle infernal de la reproduction, nécessairement élargie, du Capital.
A ce titre, il n’est pas anodin, que le débat sur « la souffrance au travail » ai trouvé un écho particulier, se soit, par exemple, substituer à celui sur « la fin du travail », au moment des drames qui se jouent chez les salariéEs des services publiques démantelées par les logiques de privatisations. Ces sphères qui échappaient (ne serait ce que très partiellement) au règne totalitaire de la marchandise se voient violement projetées dans le courses effrénée à la valorisation du capital entrant ainsi en contradiction avec leur éthiques professionnel du service à la population. Contradiction qui faute de pouvoir s’exprimer par la lutte collective (comme commence à le faire les millier de grévistes dans le secteur médico-social) se retourne contre les travailleurs eux même (un Délégué du Personnel de SUD Rail s’est donné la mort à la gare Saint Lazare, un postier fonce avec la voiture de service sur son chef…).
…« La meilleure des Polices »
Le PDG de La Poste Bancale savait de quoi il parlait quand il promettait « du sang et des larmes »  à nos chers députés qui l’auditionnaient. Ce sont le sang et les larmes des salariéEs (le capital vivant) et la victoire du profit (le capital mort). Car c’est bien cela, in fine, le capitalisme, la victoire de la logique de mort sur la logique de vie, plongeant ainsi l’humanité et la planète dans une course éperdue à « la survie, c’est à dire la vie réduite aux impératifs économiques » (G. Debord).
« La meilleure des polices, c’est ton taf, ta télé, tes crédits, tes anxiolytiques, neuroleptiques, antidépresseurs, et tout ce que tu prends pour pleurer moins fort la nuit. La meilleure des polices, c’est tes sourires forcés. C’est tes retenues sur salaire. Et le découvert avant la fin de la semaine. C’est la peur de faire un pas, puis deux, puis trois. Parce qu’enfant, on t’a dit que t’étais une merde
Et que t’as fini par le croire ».
La Rumeur (avec Nietzche) nous montre ce qu’il nous faut détruire. Retroussons-nous les manches. Et mettons nous au travail !
TPP, Printemps 2017

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