Confinement et luttes des sans-papiers, les Baras ouvrent la voie !

Depuis le confinement, le samedi matin est un moment de solidarité et de lutte à la boulangerie autogérée "La conquête du Pain" à Montreuil. Pour un retour sur les précédentes actions : c'est ici et . Le samedi 4 avril, ce sont les sans-papiers des Baras qui étaient invités à la vente militante, un moment de fête qui s'est prolongé par une manifestation de solidarité antiraciste en plein Montreuil !

Depuis le 16 mars et le début du confinement, la liberté de déplacement des individus était placée sous l’autorité des préfets de police et des patrons pendant que les flics avaient carte blanche dans nos rues. La guerre contre les étrangers1Voir l’excellent bouquin de Karine Parrot : https://lafabrique.fr/carte-blanche/. s’intensifiait d’autant plus que les libertés démocratiques étaient limitées, que les soutiens étaient confiné.es chez elleux et que les patrons étaient contraints de mettre leurs employé.es au chômage technique.

A supposer que certaines luttes puissent se permettre de s’arrêter pendant la durée indéterminée du confinement, il est clair que les luttes des sans-papiers n’en font pas partie. L’expression politique, donc collective des sans-papiers est la seule réponse possible face aux dangers qui les guettent.

Prenons le cas des Baras. Le squat dans lequel ils logent depuis leurs expulsions successives du foyer Bara et de l’AFPA est une potentielle bombe sanitaire : plus de deux cent personnes logeant dans la promiscuité en-dehors des conditions d’hygiènes de base. Pour autant, plus que le danger du coronavirus, c’est les papiers et une solution de relogement collective qui restent leurs principales préoccupations. Car sans les papiers, c’est le danger permanent de l’arbitraire policier en cas de contrôle, voire de l’expulsion même pendant la pandémie. C’est les patrons qui mettent au chômage technique sans salaire tous les sans-papiers dont l’activité ne peut pas se poursuivre. Mais surtout, pour les Baras, c’est le danger de la division, de l’atomisation du collectif au prétexte de la crise sanitaire et de l’invisibilisation de leur combat et de leurs besoins.

Alors nous, le 04 avril 2020 rue de la Beaune, on avait que la rage au ventre et que des baguettes à vendre, mais tout on avait beaucoup trop envie de manifester !

Avec les travailleur.euse.s de la Conquête du Pain, une boulangerie autogérée à Montreuil, on voulait permettre aux Baras de continuer leur lutte lors des files d’attente militantes du samedi matin. Ça tombait bien, nos boulangèr.es préféré.es avaient pu faire 250 baguettes pour les Baras grâce aux baguettes solidaires auxquelles de nombreux soutiens du quartier cotisent. On a égayé la devanture et les Baras sont venus les chercher en manif !

Alors, on a manifesté avec eux ce samedi 4 avril, de la rue Stalingrad à la Conquête du Pain rue de la Beaune, puis pendant la file d’attente matinale. Avec les Baras, mais aussi avec des militant.e.s de l’Interpro Montreuil, de Montreuil Rebelle, des gilets jaunes ainsi que des individus !

Au bout d’une heure, des flics de Montreuil débarquent. Qu’ils aient été appelé par un voisin collabo qui se cache ou qu’ils aient été attirés par le raffut, on s’en tape, dans les deux cas, nos luttes reprennent leur place centrale ! Quoi qu’il en soit, ils étaient 3, on était une petite trentaine, déterminé.es et absolument pas prêt.es à leur céder du terrain. Après deux minutes de courtoises conciliabules, les flics nous rappellent les mesures de distanciation sociale et nous laissent continuer à animer la file d’attente en attendant les 250 baguettes jusqu’à midi. La rue, elle est à nous et elle résonne de slogans antiracistes que des voisin.es aux fenêtres n’hésitent pas à reprendre. Presque à notre propre étonnement tant ce moment semblait déconnecté de la période actuelle… Après la manifestation des personnels soignants à Tourcoing deux jours auparavant, les Baras auront été parmi les premiers à ouvrir une brèche dans l’union nationale et l’Etat autoritaire que rien ou presque (les manifs salon-cuisine et le Dr. Raoult) ne venait remettre en question.

Bien sûr, l’État est beaucoup trop conscient de l’opportunité qu’il a de mener sa politique libérale et nationaliste tout en maintenant muselé tout discours d’opposition à sa doctrine du confinement pour autoriser cette provocation. Dix minutes plus tard, dès que l’information fut remontée à un chien de garde plus politique, c’est 5 véhicules, 15 keufs et un commissaire d’une CSI qui voulaient nous empêcher de continuer l’action militante.

Alors que des prises de parole se préparaient avec un représentant Sans Papier de la Marche des Solidarités, un représentant du collectif des Baras et un travailleur de la boulangerie, le commissaire procéda en personne au contrôle d’identité et des attestations de tou.te.s les militant.e.s et des Baras, au mépris de toutes les mesures de distanciation sociale et des équipements de protection individuelle.

Au final, nos identités furent notées sur un calepin d’artisan-serrurier, et quatre amendes pour non-respect des mesures de confinement furent annoncées aux soutiens qui s’interposaient. Tou.tes les participant.es furent d’autant plus convaincu.es de la justesse de leur combat qu’ils avaient partagé une expérience commune d’opposition au confinement et à l’Etat d’Urgence Sanitaire. Et les Baras rentrèrent avec 250 baguettes, une belle cagnotte et la rage et la confiance plein la musette.

Allégorie du confinement : sous la contrainte de la police, le travailleur français travaille et le travailleur sans-papier se fait contrôler.

Alors on s’est compris Lallement, Castaner Macron et Le Pen ?

Partout où se livreront des luttes politiques contre l’État, sa police et ses frontières, nous les rejoindrons, les construirons, en temps de guerre comme en temps de pandémie. La crise sanitaire actuelle rend d’autant plus urgent de confier les pleins pouvoirs aux personnels soignants, aux travailleuses et aux travailleurs sans-papier et à tou.tes les salarié.es qui bravent la mort à cause des patrons tarés.

S’il fallait prendre le risque d’être solidaires, soyez en sûr-e-s, au terter, on ne sera jamais résigné.es à se taire !

Gaël Montreuil et Gabriel Bagnolet

Si vous voulez aider les Baras qui sont logés au 138, rue de Stalingrad, voilà la liste de leurs besoins : 

  • 273 repas chauds par jour (de préférence le soir si possible, pour des enjeux de conservation de la nourriture de ceux qui travaillent)
  • 2 frigos et 10 micros ondes pour conserver puis réchauffer les repas des personnes qui ne sont pas là au moment de la livraison, si possible
  • des flacons de solution hydroalcoolique, des gants, masques et savons, tous produits d’hygiène de première nécessité
  • la présence de soignants qui viendraient les voir serait accueillie avec soulagement
  • La participation et la visibilisation de leur lutte et de leur revendication (notamment à travers la signature de cette pétition).
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Notes

Notes
1 Voir l’excellent bouquin de Karine Parrot : https://lafabrique.fr/carte-blanche/.